A quoi servent les virus ?

Chère amie, cher ami,

Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous l’écrire, les virus m’intriguent.

Lors de la journée que nous avions organisée au mois de mai 2019 à Louvain-la-Neuve, l’un des thérapeutes présents nous disait que les virus, lorsqu’ils s'accumulent dans la bouche, peuvent avoir une signature.

Le virus d’Epstein Barr par exemple, qui provoque la mononucléose, peut s'accumuler dans la bouche et créer une forme en V.

Cela ressemble à une signature du virus. Cela ressemble à un message.

Pensez-vous qu’un virus puisse “vouloir” transmettre un message ?

Vous me direz que c’est de la science-fiction !

En tout cas, d’un point de vue de sa “constitution”, ce n’est pas invraisemblable.

Car un virus, pour l’essentiel, c’est de l’ADN ou de l’ARN fixé sur des protéines. C’est du matériel génétique livré sur un peu de matière…

Le virus, finalement, c’est un code ou une clé biologique, si vous préférez.

Et, depuis que les scientifiques savent “cultiver” les virus, ils cherchent à utiliser ce code, notamment à des fins thérapeutiques.

Virus ou mal absolu

Pourtant, dans l’imaginaire collectif, le virus a plutôt mauvaise cote.

Pour homo sapiens, le virus c’est quelque chose de tout petit, qui parfois se transmet de manière ultra-rapide et dont la conséquence peut être une mort fulgurante et douloureuse ainsi que la disparition de toute sa famille.

Ce n’est pas une partie de plaisir.

Pensez à la peste noire par exemple.

Il y a aussi le Sida ou VIH qui a fait frémir des générations d’amoureux depuis les années 80 parce qu’il est transmissible sexuellement. Et celui-là est vicieux : il fait chuter l’immunité. Ce n’est pas lui qui achève son hôte, mais il crée les conditions pour que sa victime meure d’autres infections.

Les virus, c’est encore Ebola ou Lassa, ou Marburg, trois virus très dangereux qui provoquent des fièvres hémorragiques foudroyantes.

Brrr !

Et que dire des virus de laboratoire comme le mH5N1, virus mutant mis au point par un chercheur japonais, Yoshihiro Kawaoka. Ce virus est un dérivé de celui de la grippe aviaire. L’ennui, c’est qu’il se transmet aux humains. Il provoque une grippe violente ultra contagieuse...

La plupart des Etats qui ont en les moyens gardent bien au chaud dans des laboratoires tenus secrets des colonies de virus plus ou moins sympathiques…

Formidable !

Les virus qui déclenchent le mal

Mais ce n’est pas tout.

Dans le catalogue des épouvantes associées à l’action des virus, on trouve aussi les virus déclencheurs de maladies.

C’est le cas du papillomavirus qui est parfois responsable de la survenue du cancer du col de l’utérus[1].

De même, les virus de l’hépatite B et C peuvent provoquer une tumeur du foie. Certaines infections respiratoires pourraient jouer sur l’apparition des leucémies[1].

Rien de tout cela n’est très réjouissant.

Et pourtant.

Les virus peuvent également réserver de très bonnes surprises.

Des virus protecteurs

A l’inverse donc, il arrive que les virus vous protègent.

Les infections de la petite enfance ont un rôle plus large que l’on imagine parfois. Ces maladies ne sont pas simplement des “rites d’initiation biologique” qui renforcent votre immunité infectieuse.

Elles pourraient également servir à atténuer certains risques de cancer.

Ainsi, chez les femmes, une infection par les oreillons dans la petite enfance limiterait le risque de cancer de l’ovaire à l’âge adulte.

Et les vaccins ?

Sans surprise, cela veut dire que les vaccins, notamment ceux qui utilisent des virus vivants atténués, auraient une incidence sur d’autres maux que ceux contre lesquels ils sont prévus.

Ainsi le BCG, vaccin contre la tuberculose, qui a longtemps été obligatoire en France, mais qui n’est plus pratiqué, protègerait du mélanome, le cancer de la peau[2].

Il est également utilisé pour lutter contre le cancer de la vessie et pourrait servir à prévenir la maladie d’Alzheimer ![3]

En effet, des médecins ont découvert que des patients souffrant d’un cancer de la vessie et soignés avec le BCG avaient moins de risque de développer Alzheimer[4].

Invraisemblable.

En Géorgie, on soigne les infections du quotidien avec des virus

En Europe de l’Est, les qualités thérapeutiques de certains virus sont connues depuis longtemps.

Dans certains pays comme la Pologne ou la Géorgie vous trouvez des “phages” en pharmacie.

Ces virus servent à tuer des bactéries spécifiques. Ils s’accrochent à la bactérie qui est bien plus grande qu’eux, puis lui déversent leur contenu génétique. Cela désorganise la bactérie qui s’autodétruit.

C’est un peu comme si une très grosse aiguille venait trouer sans vergogne la toile d’un ballon dirigeable !

Ces virus peuvent être extrêmement utiles pour lutter contre des infections bactériennes sérieuses. L’hôpital de la Croix Rousse à Lyon s’est fait une spécialité de ce type de traitements pour soigner le staphylocoque doré ou d’autres bactéries dangereuses[5].

Au-delà du bien et du mal

Et vous n’avez pas besoin d’aller jusqu’à Tbilissi pour trouver des phages. On en trouve également dans votre microbiote !

Ces “virus de bactéries” seraient aussi nombreux que les bactéries dans votre flore intestinale.

Bref, les virus sont partout. La vie leur a donné de nombreuses fonctions. Et il n’y a pas d’un côté des “gentils” virus qui vous protègent et de l’autre des “méchants” virus qui vous attaquent.

Ainsi, comme les médias aiment à nous le rappeler, le virus de la rougeole est très désagréable.

Il provoque de gros boutons rouges, une fièvre forte et, chez certaines personnes fragiles, il peut avoir des conséquences beaucoup plus graves. Mais ce virus peut aussi soigner le myélome multiple, un cancer de la moelle osseuse[7].

Il n’existe aucun autre traitement efficace contre ce cancer.

Les virus ont donc encore bien des choses à nous apprendre. Et ils ne sont pas les seuls. Car les bactéries aussi sont fascinantes ! Elles aussi agissent sur votre environnement et sur votre santé, en bien ou en mal...

Mais, cette partie-là est pour une autre lettre.

Naturellement vôtre,

Augustin de Livois