Samedi 12 octobre 2024

En toute liberté

Chaque samedi, l'actualité vue par le rédacteur en chef

Frédéric Lelièvre
CEO et rédacteur en chef de L’Agefi

La maladie de l’impôt

Quand le premier ministre français se prend pour un Père la rigueur 

«La crédibilité de la signature française doit être préservée.» Tel est le vœu de Michel Barnier. Mais qui croit aux promesses du premier ministre français? Jeudi, le Savoyard a présenté son projet de budget 2025. Son but, réduire le déficit de 60 milliards d’euros et le contenir sous les 6% du produit intérieur brut (PIB), quand les anciens mauvaises élèves de l’Union européenne (UE) visent 3,3%, pour l’Italie, et 2,5% pour l’Espagne. 
Comment parler de rigueur, alors que Matignon prévoit des dépenses publiques en hausse et que la majeure partie de l’effort d’assainissement (deux-tiers, selon le Haut conseil aux finances publiques) sera réalisée par des hausses des recettes fiscales? La maladie de l’impôt sévit donc. La France ressuscite ainsi une sorte d’impôt sur la fortune (ISF) aboli début 2018 qui, peut-être, incitera des entrepreneurs à rejoindre la Suisse. 
La France passera l’an prochain ce test de crédibilité. Bercy prévoit d’émettre 300 milliards d’euros d’obligations, un record. Jusqu’à présent, les investisseurs ont sursouscrit les fameuses OAT (obligations assimilables du Trésor), dont ils apprécient des taux d’intérêt plus élevés que ceux versés par la Grèce ou l’Espagne. Reconnaissons tout de même que le risque de défaut de l’Etat français est faible. Ses réserves restent importantes. La valeur nette du patrimoine des seules administrations publiques, par exemple, est estimée à près de 900 milliards. 
  
Ceux qui n’ont pas confiance peuvent bien sûr placer leur épargne en franc (pas sûr que la Confédération accepte d’émettre suffisamment de dette pour répondre à cette demande potentielle). Et si, même en Suisse, tout allait mal? Dans ce cas, il faudrait peut-être s’en remettre au… bitcoin. Ou à une autre de ces monnaies virtuelles décentralisées, c’est-à-dire libre de tout contrôle étatique. Seul ce type de scénario noir donne, au fond, de la valeur à ces actifs numériques. Tel est du moins le point de vue d’Antoine Martin. Le numéro deux de la Banque nationale suisse (BNS) s’exprimait sur ce sujet cette semaine à Genève. A long terme, «la valeur du bitcoin est très proche de zéro» a-t-il déclaré. Or à long terme, nous serons tous morts, selon la célèbre formule de John Maynard Keynes… En attendant, le cours de la reine des cryptodevises affiche une progression de 46% depuis janvier, mais un recul de 13% sur les six derniers mois, et +630% au cours des cinq dernières années. 
  
A ceux qui cherchent dans quelle direction avancer dans le dossier européen, je ne suis pas sûr que l’initiative Boussole apporte beaucoup d’éléments de réponse. Il a été beaucoup question de ce texte dans nos colonnes cette semaine. Un groupe d’entrepreneurs plutôt discrets, dont deux fondateurs du géant helvète du private Equity Partners Group, ou encore le banquier genevois Pierre Mirabaud qui avait disparu de la sphère publique, tente de torpiller les négociations en cours entre Berne et Bruxelles, destinées à stabiliser les relations entre l’UE et la Suisse. Les initiants redoutent une perte de souveraineté. 
Il se passera du temps avant que le peuple ne se prononce sur ce texte. Mais la réaction ne s’est pas fait attendre du côté d’Economiesuisse. J’ai été davantage surpris par Florian Németi. Le directeur de la Chambre neuchâteloise de commerce et d’industrie a lui aussi pris la plume afin de défendre ce que l’on appelle les Bilatérales III. 
Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur les arguments de Boussole Europe (ou Kompass Europa en allemand). En attendant, le débat sur la souveraineté me laisse un peu perplexe. Peut-on se couper de tous les pays qui nous entourent (Liechtenstein excepté), lorsque notre énergie, notre alimentation ou encore notre défense dépendent d’eux? 
  
Enfin, un dernier mot sur le Chuv qui, jeudi, a tenté de nous faire croire qu’il s’attaquait à ses maux économiques. L’opération ne m’a guère convaincu. En particulier, aucune gouvernance de l’hôpital universitaire vaudois digne de ce nom ne se met en place. Les contribuables du plus grand canton romand – eux-aussi victimes de la triste maladie de l’impôt – pourraient méditer ce proverbe chinois: le poisson pourrit toujours par la tête.

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