Bible des médias : quel bilan pour les formats ? | | C'est Noël avant l'heure. Le Reuters Institute for the Study of Journalism publie ce 23 juin son dernier Digital News Report – sorte de boussole indispensable pour l'écosystème média. En s'appuyant sur un panel de 46 pays, l'étude de 164 pages fait le point sur la consommation de l'information dans le monde. Et bonne nouvelle, 44 % des sondés estiment faire confiance aux médias, soit six points de plus que l'année dernière. Exploration des infos clés à retenir, côté formats.
L'usage des podcasts se stabilise avec une moyenne de 31 % Avec la crise, la croissance des podcasts s'est ralentie. 31 % des sondés de 20 pays ont écouté un podcast au cours du dernier mois, soit le même chiffre que l'année dernière. Les podcasts sont particulièrement appréciés en Irlande (41 %), en Espagne (38 %), en Suède (37 %), en Norvège (37 %) et aux États-Unis (37 %). En revanche, ils sont moins plébiscités en France (28 %) et au Royaume-Uni (22 %). À noter que pour beaucoup, la définition de podcast reste floue – 17 % des sondés en Europe ignorent ce que ce format implique contre 9 % aux États-Unis. « De nombreux auditeurs écoutent des contenus via des applications de radios de service public qu'ils perçoivent comme de la radio "à la demande" plutôt que comme des podcasts », note l'étude.
Podcasts : Spotify donne tout Spotify continue de gagner du terrain sur Apple et Google Podcasts. Au Royaume-Uni, il s'agit de la deuxième plateforme la plus utilisée pour écouter des podcasts (24 %), derrière BBC Sounds (29 %) et devant Apple Podcasts (21 %), YouTube podcasts (14 %) et Google Podcasts (7 %). Spotify aurait déboursé 1 million de dollars pour les droits exclusifs du podcast Joe Rogan et signé avec Barack Obama et le prince Harry et Meghan Markle pour faire des émissions régulières. Par ailleurs, la plateforme a lancé, le 16 juin, Greenroom, une appli audio concurrente de Clubhouse qui permet aux utilisateurs d'animer des conversations en direct sur le sport, la musique et la culture. YouTube surfe sur la popularité du vidéo podcasting La croissance du podcasting vidéo, encouragée par l'utilisation d'outils comme Zoom pendant la pandémie, « ouvre une gamme encore plus large de distribution et rend le podcast difficilement définissable pour les chercheurs », souligne le rapport. En Australie, YouTube podcasts est la plateforme la plus utilisée pour écouter des podcasts (26 %). Les enceintes connectées pourraient « stimuler la croissance audio » Amazon et Google dominent le marché des enceintes connectées. Celles-ci atteignent désormais plus d'un cinquième de la population adulte britannique (22 %) et 15 % aux États-Unis et en Allemagne. Mais seule une minorité utilise les appareils pour tout type de nouvelles (6 % au Royaume-Uni et 5 % aux États-Unis). Retrouvez notre interview sur le sujet avec Mathieu Gallet, co-fondateur de Majelan. Les agrégateurs de news mobiles se font une place Si les agrégateurs mobiles jouent un rôle relativement modeste dans l'écosystème médiatique des pays occidentaux, ils occupent une place importante sur les marchés asiatiques. En Inde, en Indonésie, en Corée du Sud et en Thaïlande, une série d'applications alimentées par l'homme et l'IA, comme Dailyhunt, SmartNews, Naver et Line Today, jouent un nouveau rôle dans la découverte de l'actualité. De son côté, Apple News a connu une croissance significative cette année aux États-Unis, atteignant un tiers des utilisateurs d'iPhone.
TikTok et Telegram s'imposent YouTube égale désormais Facebook en termes d'utilisation, quel que soit l'objectif (62 %). L'utilisation de WhatsApp (52 %) a triplé depuis 2014. L'usage d'Instagram a été multiplié par cinq, même s'il semble se stabiliser. Enfin, TikTok et l'application de messagerie Telegram connaissent une croissance rapide. Pour retrouver notre interview sur les points clés de l'étude avec Rasmus Kleis Nielsen, directeur du Reuters Institute for the Study of Journalism et Nic Newman, Senior Research Associate au Reuters Institute, c'est par ici. On y parle confiance dans les médias, déclin de la presse papier, hausse significative des paiements et demande de neutralité (surtout par les gens de "droite"). | | | JUNGLE STORIES | "Il faut sortir de notre focus trop français" À tout juste 44 ans, Mathieu Gallet a derrière lui une vie bien remplie. Il a aussi bien côtoyé le monde politique - en tant que directeur de cabinet adjoint de Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture – que celui, tumultueux des médias : Canal+, ou encore l'INA dont il a été (très) jeune président. On retiendra surtout sa nomination comme PDG de Radio France en 2014. Aujourd'hui, après une éviction brutale, le phœnix renaît de ses cendres. Entretien. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Twitch, plus lucratif pour les artistes que les plateformes de streaming musical ? C'est le constat dressé par l'ex-économiste en chef de Spotify. Dans un rapport intitulé Twitch's Rockonomics, Will Page met en exergue la différence flagrante entre les gains générés par les créateurs sur Twitch et ceux récoltés sur Apple Music, Spotify ou encore Bandcamp. Il donne les exemples de Laura Shigihara et Matt Heafy. La première est une compositrice reconnue pour son travail sur les jeux vidéo Plants Vs. Zombies, World of Warcraft, Chrono Tigger et Chrono Cross. Grâce à Twitch, elle est parvenue à multiplier par 10 ses revenus des plateformes de streaming musical, pour atteindre 8 000 dollars mensuels ! Le second –qui fait partie du groupe de métal Trivium – gagne autant sur la plateforme que les revenus du groupe via les streams et ventes (10 000 dollars par mois). Pourquoi c'est un pavé ? « Les revenus du streaming restent un sujet controversé aujourd'hui, les artistes (majeurs et indépendants) et les utilisateurs critiquant ouvertement le peu de rémunérations que ces services sont censés verser aux créateurs », note l'article de MusicTech. En ligne de mire ? Spotify et ses 356 millions d'utilisateurs. En mars 2021, des manifestations organisées par l'UMAW (Union of Musicians and Allied Workers) ont eu lieu dans les bureaux du groupe. Le syndicat exige plus de transparence et des rémunérations plus justes de la part de la société de Daniel Ek. Dans le même temps, Spotify s'apprête à lancer un mode découverte permettant aux artistes d'accepter une redevance plus faible en échange d'une meilleure visibilité... Euh... Et sinon, Google vient d'annoncer le report de la suppression des cookies tiers pour 2023. L'industrie de l'adtech est à la fête, alors que Privacy Sandbox (l'API imaginée par la société californienne pour prendre le relais) est loin d'être prête. | UN FORMAT À LA LOUPE | | Twitter vient de lancer ses Super Follows et Ticketed Spaces aux États-Unis ! Ces nouvelles options de monétisation permettent d'accéder à des contenus exclusifs de créateurs. Le premier permet de s'abonner, contre rémunération, à un créateur pour accéder à ses tweets en exclusivité. Le second facilite l'organisation d'événements en ligne directement via l'application Twitter, l'accès étant payant. « L'objectif est de valoriser les personnes qui stimulent les conversations sur Twitter et les aider à gagner de l'argent », selon Esther Crawford (cheffe de produit senior). Du côté d'Instagram, les publicités arrivent sur Reels. La stratégie de monétisation d'Instagram se développe et s'attaque au format concurrent de TikTok. Des publicités apparaissaient déjà chez les utilisateurs australiens, brésiliens, allemands et indiens lorsqu'ils scrollaient. Disponibles dans 80 pays, ces vidéos durent 30 secondes au maximum. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Les Cannes Lions 2021 se sont terminés hier et ont été l'occasion pour de nombreux spots publicitaires d'être mis en avant. L'un d'entre eux - datant de 2019 - a attiré notre attention : BIIP - The Shoot imagine le tournage d'une publicité où Canal + doit annoncer sa transformation en tant que plateforme de contenus, sur le même modèle que Netflix. Le réalisateur du clip s'efforce d'expliquer tant bien que mal au célèbre acteur français Kad Merad (star de la série Baron Noir de CANAL+) qu'il doit présenter la nouvelle offre de streaming sans prononcer le mot "Netflix". En conséquence, l'annonce est ponctuée du bip familier de la censure. Pour voir le spot de l'agence française BETC, c'est par ici. | LE CONTENU QU'ON A AIMÉ FAIRE | Alors que la radio vient de souffler ses 100 bougies, elle se voit concurrencée par les podcasts, les plateformes de contenus américaines, mais aussi l'émergence de l'audio social au sein des réseaux sociaux. Revue des risques et opportunités autour d'un live avec Jérôme Colombain, journaliste tech, ex-team France info et animateur du podcast nouveau-né « Monde numérique » | | | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Faire peur pour que l'autre cesse d'exister. Cracher son venin pour mettre à terre. « J'aimerais baiser son cadavre pendant que son mec regarde », « J'ai envie de te découper le ventre avec un couteau », « Tu mérites que je t'encule pour ton insolence ». En 2018, trois femmes sur quatre déclaraient avoir été victimes de violences sexistes en ligne. Dans le documentaire sobre et glaçant #SalePute, les journalistes Myriam Leroy et Florence Hainaut donnent la parole à celles qui, chaque jour, subissent de plein fouet cette misogynie inouïe et gratuite. Cible de « raids sexistes » en ligne, la streameuse Manolita a ainsi tenté de porter plainte auprès de policiers largués face aux nouvelles plateformes « J'ai passé la majeure partie du temps à leur expliquer comment fonctionne Discord. En réponse, ils m'ont simplement incitée à disparaître des réseaux sociaux », déplore la jeune femme. À ses côtés, la journaliste Lauren Bastide explique avoir vu son émission Les savantes, sur France Inter, déprogrammée, après avoir été d'abord victime de cyberharcèlement à la suite d'un épisode sur la question du voile. Elle subit donc une double peine. « Je n'ai plus foi en l'humanité », livre Natascha Kampusch. « Avant, tout m'amusait. Aujourd'hui, tout m'effraie », renchérit la journaliste Nadia Daam, le visage grave. Cette série de témoignages jette une lumière crue sur la violence systémique subie par les femmes, sans que celles-ci soient dûment protégées. C'est surtout leur solitude qui saute aux yeux, devant le manque de formation des policiers, une législation peu claire autour du cyberharcèlement et l'absence de régulation des plateformes. « Les contenus haineux fonctionnent mieux que les vidéos de chats », conclut, lucide, l'une des intervenantes. À voir sur Arte. |
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