Samedi 14 décembre 2024

En toute liberté

Chaque samedi, l'actualité vue par le rédacteur en chef

Frédéric Lelièvre
CEO et rédacteur en chef de L’Agefi

La fuite en avant de la BNS

Les taux d’intérêt négatifs pourraient bien faire leur retour

La Banque nationale suisse (BNS) a changé de président, mais elle reste la même. Une nouvelle fois, elle a réussi à surprendre (presque) tout le monde. Jeudi, son nouveau patron, Martin Schlegel, a annoncé une baisse de son taux directeur de 50 points de base et non pas de 25 comme attendu. 

  

Son raisonnement est un peu complexe. Et il le conduit à faire un pari osé, comme l’écrit mon collègue Pascal Schmuck. En résumé, la BNS espère que son action coup de poing affaiblira suffisamment le franc, si fort en ce moment, afin d’éviter une déflation en Suisse. L’institut d’émission ne souhaite pas devoir réinstaurer les taux négatifs, comme ce fut le cas entre 2015 et 2022, alors même que son taux de référence, désormais à 0,50%, s’en approche dangereusement. Si cela ne fonctionne pas, la Banque nationale n’aura guère d’autre choix de ressortir sa planche à billets et d’imprimer massivement des francs. 

  

Depuis jeudi, le franc a un peu reculé face à contre l’euro et le dollar. Mais je doute qu’un réel mouvement à la baisse soit amorcé tant les fondamentaux de l’économie de la Suisse restent solides comparés à ceux de ses partenaires commerciaux. 

  

A propos de partenaires commerciaux, la France a un nouveau Premier ministre. Nommé vendredi, François Bayrou est promis à une tâche impossible face à un parlement sans majorité. Comme son éphémère prédécesseur Michel Barnier, le centriste lui aussi âgé de 73 ans devra d’abord former un gouvernement puis faire voter un budget. Comme je l’écrivais la semaine passée, tout dépendra de sa capacité à former une coalition, un objet politique si étranger à l’esprit de la France. Celui qui a tant rêvé de l’Elysée et de la fonction suprême qu’il incarne acceptera-t-il de jouer les rassembleurs? Un peu de stabilité à Paris ferait du bien à toute l’Europe. 

  

Revenons en Suisse et à Genève. Si vous nous lisez, même distraitement, vous n’avez pas pu échapper à Building Bridges. Pour sa cinquième édition, l’événement consacré à la finance durable a annoncé avoir accueilli à Genève plus de 3000 participants, un record. Notre Who’s who des banquiers impliqués dans la transition écologique ne compte pas encore autant de noms, mais cette liste de quelque 70 personnalités montre que l’investissement ESG n’est pas qu’une mode. 

Certes, la finance durable rencontre des vents contraires. Cependant, la transition énergétique est lancée, et cette semaine de conférences et d’ateliers a montré la mobilisation du secteur financier. Pour vous donner une idée des discussions et débats, je vous recommande l’interview de Helena Vines Fiestas qui, en bonne représentante de l’Union européenne, plaide pour une régulation toujours plus forte. Et pour lui répondre, mais sans forcément la contredire, celle avec André Hoffmann, le vice-président de Roche. A lire également, une sélection de citations des personnalités présentes, dont l’activiste mexicaine Xiye Bastida

  

Et pour conclure, une pique envoyée par ma collègue Nathalie Praz aux centres médicaux. Les médias romands ont largement relayé la décision du Tribunal fédéral de limiter le recours à ’annuler la taxe d’urgence qu’une série de prestataires facturaient systématiquement aux patients, malgré la fragilité de la base légale leur permettant de le faire. Ceux qui ont joué avec le feu s’y sont brûlés. 

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Et la semaine prochaine ?

Les regards se tourneront vers Berne, en particulier vendredi. Nous suivrons avec attention la dernière journée de la session d’hiver du Parlement. Les Chambres devraient notamment s’entendre sur le budget 2025 de la Confédération. Par ailleurs, la réforme qui prévoit la suppression de la valeur locative appliquée aux propriétaires devrait finalement être rejetée. 

Mais un événement risque d’éclipser le reste de l’actualité. Tout le monde s’attend à ce que la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la débâcle de Credit Suisse rende son rapport après 18 mois de travaux. La responsabilité du Conseil fédéral, du gendarme de la finance (la Finma) et de la Banque nationale dans un des plus grands gâchis de l’histoire économique de la Suisse devrait être établie. Nous espérons obtenir des réponses à 15 questions importantes. Ce rapport est crucial afin de comprendre l’action des autorités. La régulation d’UBS, devenue encore plus gigantesque depuis la reprise de son ex-rivale, en dépend également.