Les décideurs politiques européens ont le choix : résister au lobby financier et renforcer les garde-fous ou répéter les mêmes erreurs qui ont mené à la crise de 2008.

La finance mondiale traverse une zone de turbulences, marquée par une escalade des tensions commerciales, de l’incertitude réglementaire et le retour de pressions pour éliminer les mesures protectrices. Le Fond monétaire international (FMI) a largement revu à la baisse ses prévisions de croissance, en raison des tensions commerciales croissantes et de l’instabilité du contexte commercial mondial, sans pour autant aller jusqu’à annoncer une récession globale. La Revue de stabilité financière de la BCE de mai 2025 alertait elle aussi sur le fait que la volatilité du marché financier menace la stabilité de la zone euro.

Alors que les tensions mondiales s'intensifient, les droits de douane redessinent le paysage économique de l'Europe, générant de l'inflation, perturbant les chaînes d'approvisionnement et obligeant les gouvernements à revoir leurs priorités de financement. Avec les réductions budgétaires imposées par les règles fiscales actuelles et sa dépendance sur le terrain d'industries essentielles, l'UE navigue en eaux troubles pour préserver à la fois sa souveraineté et sa stabilité.

En même temps, le Département du Trésor américain (US Treasury) travaille avec les agences fédérales à assouplir la supervision des banques et les garanties prudentielles, au prétexte de réduire les coûts et de stimuler la croissance économique. Ces évolutions soulignent une tendance plus large, où la stabilité financière et les intérêts des citoyens sont sacrifiés au profit de gains économiques à court terme - ce qui rappelle les inquiétudes suscitées par les crises financières passées.

Après la crise de 2008, des règles internationales telles que Bâle III ont été introduites pour empêcher qu’un tel effondrement ne se reproduise. Mais aux États-Unis et au Royaume-Uni, la déréglementation gagne du terrain. Les régulateurs nommés par Trump se préparent (en anglais) à assouplir les exigences de capital pour les grandes banques américaines, un recul par rapport à l’administration Biden, qui prévoyait d’augmenter les réserves des banques. Désormais, nombre de ces réglementations durement acquises sont repoussées ou démantelées en Europe aussi. Cette tendance mondiale déclenche une course au moins-disant réglementaire, dans laquelle les pays rivalisent pour offrir les normes les plus faibles dans l’espoir d’attirer les entreprises.

« La prochaine crise financière n’est pas une fatalité - elle résultera de choix. »

L’industrie financière répète un refrain connu : la réglementation est mauvaise pour la croissance. Et les décideurs politiques, soucieux “d’accroître la compétitivité” en ces temps incertains, lui prêtent l’oreille. Un exemple ? L’Union européenne a récemment accepté de repousser de nouvelles règles, appelées FRTB et faisant partie du dispositif mondial Bâle III, qui visent à limiter les pertes liées aux échanges. Ces règles ont été pensées pour garantir que les banques aient assez de fonds propres pour absorber leurs pertes en cas de baisse du prix des actifs qu’elles échangent.  

Non seulement l’UE a repoussé la mise en œuvre de ces règles, mais en plus, la Commission a organisé une consultation pour les revoir en profondeur. Cette décision souligne les divergences croissantes entre les standards bancaires internationaux, et ce alors que la majeure partie des mesures de Bâle III ont été implémentées en Europe. Pire encore, de tels reports ne sont plus exceptionnels, ils deviennent la norme. Et ce n’est pas le fruit du hasard. En coulisse, les lobbyistes travaillent pour affaiblir ces protections. Leur argument ? Des règles plus fortes sont synonymes d’un plus faible financement de l’économie.

Et pourtant, les études montrent le contraire : les banques qui ont plus de fonds propres prêtent plus d’argent, pas moins. Seules les banques bien dotées en capital peuvent continuer à financer l’économie en période de crise.

« Il existe une meilleure voie pour contrer les nouvelles tactiques de chocs économiques des États-Unis - une voie qui renforce la souveraineté et la stabilité de l’Europe. » 

Depuis l’investiture de Trump en janvier, l’administration américaine a complètement bouleversé ses relations commerciales, revenant sur des décennies de mondialisation et laissant l'Europe dangereusement exposée.

En forçant les acteurs étrangers à investir dans les industries américaines, l’objectif principal de Trump est de réindustrialiser les États-Unis. Dans ce contexte, une récession économique se profile et la panique gagne les dirigeants européens. Mais au lieu de résister et de stimuler le soutien public à l'économie européenne en investissant dans les transitions écologique et numérique, la Commission européenne s'est lancée dans un nivellement par le bas, ouvrant les portes à la déréglementation, sous couvert de “simplification” et de “compétitivité”. Les dirigeants européens doivent réagir aux attaques économiques fantasques des États-Unis par une Europe forte, souveraine, qui accroît l’influence de l’euro et entraîne l’économie mondiale dans un cercle vertueux.

L’UE peut jouer un rôle de premier plan en : 

💶 Accélérant le projet d’euro numérique et régulant les crypto-actifs, avec des limites sur les stablecoins soutenus par les États-Unis

🔍 Instaurant des règles plus strictes pour l'IA dans la finance et en réduisant la dépendance de l'UE à l'égard d’entreprises étrangères pour les infrastructures numériques

🌱 Mettant fin à sa dépendance énergétique et en harmonisant la finance verte au lieu de la vider de sa substance

📈 Levant massivement des fonds publics pour prioriser les transitions écologique et numérique

🌍 Devenant un acteur majeur du commerce international en défendant les normes internationales (comme Bâle III) et en intégrant des objectifs sociaux et environnementaux dans les accords commerciaux

🛡️Renforçant la réglementation financière pour protéger son système financier, afin de préserver son avenir et de garantir son autonomie stratégique

Le recul des États-Unis offre à l’UE une opportunité de faire progresser son “autonomie stratégique” et de devenir un partenaire économique attractif pour de nouveaux alliés : une destination stable et régulée pour les capitaux internationaux. Pour que cela se produise, l’Europe a besoin de renforcer sa régulation financière, pas de l’affaiblir.

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