Devenir une autrice, un auteur-culte est un destin que seule la postérité nous révélera. Divers éléments expliquent la notoriété d’une œuvre littéraire. Un roman peut devenir culte parce qu’il touche un grand nombre de personnes. Du fait de son style, de son écriture ou de l’histoire qu’il raconte. A contrario, un ouvrage peut déranger voire irriter et devenir culte des décennies après sa publication.
Entre Et personne ne sait de Philippe Forest, Pussy suicide de Rosanna Lerner et Pas d'ici d’Espérance Garçonnat, lequel de ces trois ouvrages a le plus de chances de devenir un roman culte selon vous ?
Prenons l’exemple de Pussy suicide, un texte déroutant et sulfureux qu’à titre personnel, je ne suis pas près d’oublier: la plongée dans la violente adolescence d’une jeune fille de seize ans. Pathétique et humaine, la narratrice attend un sms jusqu’à en perdre la raison. Moderne, percutant, le roman a toutes les chances de marquer son temps.
Afin de vous forger votre propre avis (en attendant celui de la postérité), nous vous proposons, cette semaine, de choisir votre livre culte.
Bonnes écoutes et bonnes lectures!
Philippe Forest, Et personne ne sait, ed. Gallimard
En reprenant la trame d’un film méconnu, Le portrait de Jennie (1948), Philippe Forest conte le destin d’un peintre maudit, sauvé de l’oubli par l’apparition d’une jeune fille mystérieuse. Une nouvelle méditation romanesque sur le thème de la perte et de l’inspiration artistique, portée par une écriture à la beauté lumineuse. NJ
Dans un petit village perdu de l’île de Fermagina, un ancien négociant qui a tourné le dos à son passé trouve une forme de salut dans une économie de gestes, de paroles et une existence sans heurts. Une sobriété de vie, qui se traduit par une sobriété de mots dans le premier roman de cette jeune autrice française. Lire la suite
Deux jours et demi de la vie d’Ottessa, seize ans, empêtrée dans l’attente insupportable d’un texto de son amoureux. C’est dans le sexe et les boîtes de nuit qu’elle cherche à calmer ses blessures de rejet, multipliant les errements. Un premier roman qui privilégie une écriture crue pour mieux mettre en relief la sensibilité de sa protagoniste. Lire la suite
Passionnée par le Japon, l'autrice genevoise Florence Marville signe un premier roman inspiré de son vécu. Amours sismiques décrit les nombreux défis relevés par un couple franco-japonais dans les années 1990. Amour, famille, traditions et choc des cultures au menu. RP/SC
Jean Rolin, Tous passaient sans effroi, ed. P.O.L, 160 p.
A l’heure où la question migratoire échauffe les esprits, l’écriture délicate de Jean Rolin vient à propos rappeler la réalité brute des départs forcés. En arpentant, tant bien que mal, les chemins escarpés qu’empruntèrent il y a 80 ans celles et ceux qui fuyaient la France par les Pyrénées ariégeoises, l’écrivain-voyageur raconte les conditions précaires de l’exil, évoquant dans le même élan les destins variés de quelques grandes figures du siècle, du philosophe Walter Benjamin à l’aviateur Chuck Yaeger, en passant par le malheureux Jacques Grumbach, frère du cinéaste Jean-Pierre Melville, tous passés, ou trépassés, par là. NJ
Roman
Oscar Coop-Phane, Un arabe, ed. Grasset, 192 p.
Dans une petite ville du sud-est de la France, une vieille dame se fait voler trente-cinq euros et sa carte bleue alors qu’elle prépare son petit-déjeuner dans sa cuisine. Elle crie et les hommes du village accourent: il faut trouver le coupable, réparer l’injustice, défendre la société, et vite. Ce sera «L’Arabe». Qu’ils appellent aussi «L’autre» ou encore «Casquette». Un marginal, bouc-émissaire idéal dans l’imaginaire de cette communauté de bonshommes-justiciers se réunissant au Balto, le bar du village qui incarne à lui seul la vie d’une population rongée par l’ennui, les frustrations et la médiocrité. Un roman brillant et glaçant, qui illustre parfaitement la mécanique du racisme ordinaire et la banalité du mal. SG
Récit
Luc Zbinden, Un carnet vert - (en)quête d’origines, ed. Favre, 228 p.
Pendant quatorze années, Luc Zbinden a patiemment reconstitué un passé dont il ignorait tout: durant la Seconde Guerre Mondiale, son grand-père, pasteur suisse exerçant en France, a secouru au péril de sa vie une famille juive. Ce qui au départ était une enquête familiale, devient indice après indice, un récit tissé entre New York et Berlin, entre Auschwitz et Paris. Guidé par Marion, survivante des camps de concentration, l’auteur-narrateur n’a comme seul point de départ qu’un petit carnet vert. Première pièce d’un puzzle qui offre un nouveau regard sur une ascendance qu’il croyait connaître. EI
Roman graphique
Adeline Casier, Em Silêncio, ed. La Boîte à Bulles, 160 p.
Pour son premier album, Adeline Casier a choisi de rendre hommage à son grand-père immigré portugais. En 1962, le Portugal vit des heures sombres entre les guerres coloniales, le régime de Salazar et le manque de perspectives économiques. Quand Joao perd son emploi, il désespère, avant de partir pour la France. Débute alors le "Salto" (le saut), qui consiste à traverser plusieurs frontières illégalement. Entre les très longues marches, les intempéries et les militaires qui n’hésitent pas à tirer, Joao et ses compagnons d’infortune devront garder le silence pour survivre. SC
Florence Seyvos, Un perdant magnifique, ed. de l'Olivier
Avec Un perdant magnifique, Florence Seyvos déroule son intrigue au cœur dʹune famille ordinaire dans laquelle les relations gravitent autour du beau-père. Menteur, sincère, tyrannique, enthousiaste, il entraîne la narratrice, sa sœur et leur mère dans un tourbillon qui finira par le tuer. ALG/MH
RTS Première, Quartier Livre, dimanche 2 février à 16h
Si l’on met, dit-on, toute sa vie dans un premier roman, on peut aussi y consigner ces moments de transition, de flottement entre deux hauts faits personnels. Avec La vie juste (ed. La Veilleuse), Laura Federiconi met en scène les réflexions insolites d’une jeune libraire en proie à une légère dépression qu’elle entend vaincre en douceur. Dans Le printemps peut-être (ed. Slatkine), Lena Furlan raconte la difficile reconstruction d’une jeune femme au sortir d’une relation toxique. Les deux autrices lausannoises sont les invitées de Nicolas Julliard.
Poétesse franco-marocaine, Rim Battal publie Je me regarderai dans les yeux, un premier roman percutant d'inspiration autobiographique, dans lequel une cigarette fumée par une adolescente à la fenêtre de sa chambre va provoquer une véritable déflagration familiale. ALG/SC
Genève, Maison Rousseau et Littérature, mardi 4 février à 18h30
Dans Une saison à Montparnasse, on suit la jeune Gabrielle, fille de soyeux lyonnais, qui «monte» à la capitale pour s’émanciper d’entraves familiales étouffantes et manipulatrices. C’est avec la langue facétieuse et savante qu’on lui connaît, que Colin Thibert nous emmène dans ce nouveau roman historique. Une rencontre organisée par la MRL avec la participation de La Compagnie des mots et la Ville de Carouge.