Presque 20 ans aprĂšs le succĂšs planĂ©taire du bouleversant Garçon en pyjama rayĂ©, fable cruelle et poĂ©tique contant lâimprobable amitiĂ© entre deux enfants, Bruno lâAllemand et Shmuel le Juif, lâĂ©crivain irlandais John Boyne nous offre aujourdâhui lâhistoire de Gretel, la sĆur de Bruno, dans La vie en fuite. Ce roman foisonnant, tout entier traversĂ© par les notions de culpabilitĂ© et de complicitĂ©, bouscule et bouleverse, mais surtout questionne. Et nous, quâaurions-nous fait ? Le pouvoir de la fiction Parce quâil porte en lui les blessures dâune « enfance souillĂ©e » par ceux-lĂ mĂȘme qui auraient dĂ» la protĂ©ger et la guider mais Ă qui le dĂ©ni et le silence dâune sociĂ©tĂ© conservatrice ont donnĂ© lâimpunitĂ©, John Boyne sait combien notre humanitĂ© peut se faire monstrueuse et cruelle. Câest elle quâil nâa de cesse de questionner dans ses romans. VoilĂ pourquoi il est Ă©galement fascinĂ© par la pĂ©riode de lâHolocauste qui a produit autant de tortionnaires gĂ©nocidaires que de tĂ©moins complices par leur inaction. Câest Ă cette pĂ©riode complexe que Boyne sâest confrontĂ© pour la premiĂšre fois dans Le garçon en pyjama rayĂ©. Un succĂšs phĂ©nomĂ©nal qui a trĂšs vite suscitĂ© critiques et indignations. Beaucoup ont reprochĂ© Ă lâauteur de propager de fausses informations sur lâHolocauste et de contribuer Ă rendre les criminels nazis sympathiques. Mais pour qui a lu ce coup de poing littĂ©raire, rien ne saurait ĂȘtre plus faux. Le garçon en pyjama rayĂ© est une fable, une Ćuvre de fiction qui prend dĂ©libĂ©rĂ©ment des libertĂ©s avec la rĂ©alitĂ© des faits, pour toucher du doigt la vĂ©ritĂ© des sentiments⊠celle de cette amitiĂ© improbable entre Bruno et Shmuel que tout rapproche mais quâune terrifiante clĂŽture sĂ©pare. Le dĂ©nouement tragique et inattendu de cette amitiĂ© frappe le lecteur au cĆur et lui laisse un sentiment Ă©trange et diffus dont il est impossible de se dĂ©partir. En conteur chevronnĂ©, John Boyne sait nous bousculer et nous bouleverser. Son but est « dâexplorer des vĂ©ritĂ©s Ă©motionnelles » et de « crĂ©er des expĂ©riences humaines authentiques » par une Ă©criture qui mĂȘle tendresse, ironie, violence, poĂ©sie, humour ; par un art consommĂ© du dialogue qui permet de dessiner des personnages tout en nuances ; et par une maniĂšre presque cinĂ©matographique de ââplanterââ le dĂ©cor. Avec La vie en fuite, la suite du Garçon en pyjama rayĂ©, John Boyne ajoute une autre facette Ă cette Ă©criture : celle de la maĂźtrise du suspens. En alternant les Ă©poques, il installe une tension permanente, et suscite un sentiment dâattente fĂ©brile chez le lecteur, tout en crĂ©ant des effets dâĂ©chos et de rĂ©sonnances qui nous questionnent⊠|