« 5 août 2004
À mesure que le train se rapproche, les phrases policées que j’avais préparées au cours du voyage s’échappent. La peur empourpre mes joues, brûle mes yeux. Mon cœur se met à frapper plus fort dans ma poitrine. On dirait qu’il s’étonne de ma langueur et veut me ranimer. On n’a plus le temps, maintenant. Plus vite, Colette. Plus vite. Il n’a pas tort. La vérité, c’est que je n’ai pas encore l’ombre d’un commencement. Rien. Du vent. Pas la moindre phrase d’accroche. Je voudrais pourtant en tenir une entre mes lèvres, l’apprendre par cœur, m’essayer à la souffler, en dresser les mots pour ne pas déraper face à leurs visages, pour ne pas laisser les autres, les mauvais, les vilains, engloutir ma bonne volonté. Parce qu’en réalité, des mots, des phrases, j’en ai à revendre, ce n’est pas le problème et ce n’est pas leur parler qui me terrifie. Absolument pas. Ce qui me terrifie, ce serait de le faire sans retenue. Tout un vocabulaire qui viendrait là, sans crier gare, rouvrant soudain la plaie de ces longues années qui nous séparent. Non, impossible. Je dois faire un effort, trouver les mots justes, les premiers après la longue absence. C’est important, les premiers mots. Ça donne le ton, ça augure de la suite. Il faut que je sache, que je comprenne enfin. Poignarder le silence et connaître l’histoire. La vraie. » |