Bonjour, Je m’appelle Nabiha Syed et je suis la nouvelle directrice exécutive de la Fondation Mozilla. J’ai choisi de commencer ma prise de fonction chez Mozilla en faisant le tour de la fondation pendant 100 jours et je prendrai régulièrement ma plume – ou plutôt mon clavier – pour m’adresser à vous. Mais aujourd’hui, je souhaitais avant tout me présenter, vous parler de la situation actuelle d’Internet et de ce que nous pouvons faire, ensemble. Je me souviens encore du jour où mes parents ont ramené un Compaq Deskpro 386 à la maison, pour que nous puissions l’utiliser. Et je me rappelle très précisément ce que j’ai ressenti : un bonheur immense ! Je l’ai tout de suite adoré, notamment grâce à des jeux comme Reader Rabbit. Mais je crois que c’est vraiment avec notre premier ordinateur connecté à Internet que ma passion pour l’informatique s’est révélée. Créer des choses avec et pour les autres me procurait une joie encore plus intense. Je ne saurais vous dire combien d’heures j’ai passées à créer des sites Geocities pour des amis·es, mais aussi à parcourir des forums de discussion, à écrire des fanfictions de X-Files et à échanger des blagues et des paroles de chansons sur AIM et ICQ avec des amis·es et des cousins·es à travers le monde. En fait si, je pourrais vous le dire. Mais ce serait un peu gênant. Des années plus tard, j’ai découvert que cette capacité à partager, à se connecter et à créer était liée à la manière dont Internet fonctionne. Un fonctionnement bien différent des médias qui l’avaient précédé. Internet respecte des standards et des protocoles. Il utilise des liens au lieu de copier des contenus. Et sa nature est fondamentalement ouverte. Pas besoin de demander de permission ou d’autorisation pour créer sur Internet. Cette liberté offre un potentiel énorme : elle nous permet d’explorer des pans entier de l’histoire, d’agir pour un meilleur avenir ou de créer un mème pour illuminer la journée de quelqu’un. Internet, dans ce qu’il peut représenter de mieux, nous permet de nous voir dans toute notre diversité. Cette magie, ou plutôt ce pouvoir, est révolutionnaire. Il faut le protéger, le célébrer et le développer. C’est pourquoi je suis incroyablement fière et heureuse d’avoir rejoint la Fondation Mozilla en tant que directrice exécutive. J’ai commencé ma carrière comme avocate dans les médias. Je défendais celles et ceux qui créaient des œuvres permettant de nous voir, mais aussi de mieux comprendre notre monde. Et il y a bientôt quinze ans maintenant, j’ai participé à la création d’une « clinique » spécialisée dans le droit des médias pour former d’autres personnes à faire de même. Après un passage dans un autre cabinet d’avocats, j’ai intégré BuzzFeed en tant que première avocate de la rédaction. Ce qui revenait à être l’avocate de ce qu’Internet pouvait représenter de plus futile et de plus sérieux. Autrement dit : j’étais l’avocate d’Internet dans ce qu’il pouvait représenter de mieux. Mais ne vous méprenez pas. Je suis également consciente des aspects les plus sombres d’Internet. Des révélations d’Edward Snowden en passant par un séjour à la baie de Guantanamo à Cuba, une grande partie de ma carrière a été consacrée aux problématiques de la surveillance, y compris au sein de ma propre communauté religieuse. J’ai constaté la préoccupation croissante des consommateurs·trices face à la surveillance et aux autres dangers en ligne, ce qui nous a poussés à créer un média d’investigation, The Markup, pour répondre à ces préocupations. Sa mission ? Permettre aux gens de remettre en question la technologie, pour exiger qu’elle soit au service du bien public et qu’elle garantisse une réelle liberté d’agir à ses utilisateurs·trices. C’est pourquoi nous n’avons pas seulement écrit des articles : nous avons également imaginé et créé des outils pratiques pour aider les gens à faire des choix éclairés. Blacklight, par exemple, permet d’utiliser le Web en toute liberté, en aidant ses utilisateurs·trices à visualiser les traqueurs invisibles qui les observent lorsqu’ils naviguent sur Internet. En réalité, le fil conducteur de ma carrière a consisté à explorer de quelle façon la technologie peut favoriser ou entraver la liberté d’agir des individus. J’ai choisi la première voie. Je suis certaine que c’est aussi votre choix. Tout ceci m’amène naturellement à la Fondation Mozilla. En cette période particulière où nous déployons des systèmes d’IA à grande échelle pour la première fois, où nous réactivons des pages d’accueil après de longues périodes d’inactivité et où nous tentons de « réensauvager » Internet au-delà des espaces clos qu’on nous offre désormais, je ne vois aucun autre endroit qui soit capable d’aider les gens à façonner la technologie pour qu’elle leur permette d’atteindre leurs propres objectifs comme Mozilla. Et il n’y a jamais eu de meilleur moment pour agir. Après tout, le monde dans lequel nous vivons n’était d’abord qu’une vision. Une personne s’est mise à rêver et d’autres se sont ensuite relevé les manches et ont construit Internet, la démocratie, et bien d’autres choses encore. C’est pourquoi nous pouvons imaginer un Internet basé sur la liberté d’agir des utilisateurs·trices, puis le construire octet après octet. En cette année 2024 si imprévisible, c’est à nous qu’il revient de décider si la technologie sera utilisée pour nous libérer ou nous enchaîner. Mais cela signifie aussi que c’est à nous d’agir dès maintenant. Ensemble, nous pouvons imaginer et créer l’Internet que nous voulons. Et pas celui que Zuckerberg, Pichai, Musk ou n’importe quel géant de la tech désire plus que tout. Nous sommes libres d’imaginer et de faire tout ce que nous avons envie de faire. Mais pour cela, il faut toute une équipe, et c’est pourquoi je suis également fière de rejoindre Laura Chambers (PDG de Mozilla Corporation), Mohamed Nanabhay (directeur général associé, Mozilla Ventures), Mitchell Baker (présidente-directrice du conseil d’administration) et Mark Surman (président de Mozilla) à la direction de Mozilla. La technologie a fait du chemin depuis l’époque de Compaq, et elle évolue plus rapidement que jamais. Mes jeunes garçons ne connaîtront probablement jamais Geocities, les fanfictions de X-Files ou les modems à numérotation. Mais ma mission est de m’assurer qu’ils puissent, ainsi que nous tous, ressentir le même sentiment de joie que j’ai éprouvé à l’aube de notre ère connectée : la joie incomparable de créer des choses avec et pour les autres. Bien à vous, Nabiha Syed Directrice exécutive Mozilla |