Il y a deux semaines, parcourant le recueil de nouvelles Trois ans sur un banc de Jean-François Beauchemin, je découvrais médusé l’histoire d’un plongeur avalé, puis recraché, par un rorqual de Bryde. La réalité dépassant volontiers la fiction, voilà que la vidéo d’un kayakiste, gobé et rejeté par une baleine à bosse dans le détroit de Magellan, enflamme réseaux et rédactions. Les Anglo-Saxons ont une expression pour ça: "careful what you wish for", invitation à prendre garde aux souhaits qu’on émet, de peur qu’ils ne se réalisent. La littérature aurait-elle le pouvoir d’infléchir le réel pour qu’il se conforme à ses désirs? Ou n’est-ce pas plutôt qu’à force d’enrichir, par la fiction, notre bibliothèque intime de destins possibles, on se prend à reconnaître dans la vie alentour les échos familiers de choses lues? Nulle prudence à observer dans ce cas-là. Pas de "careful what you read" qui tienne! Ici à QWERTZ, nous assumons pleinement la responsabilité de vous offrir, semaine après semaine, de quoi nourrir de fiction votre appréhension du monde. Bonnes lectures et bonnes écoutes! Nicolas Julliard
Les rencontres littéraires Textures prennent leurs quartiers à Fribourg pour une troisième édition, après leur succès de 2023. Les littératures québécoises, l’écriture du comique de scène et les jeux de rôle sont à l'honneur cette année.
Fondées en 2021, les rencontres littéraires Textures connaissent cette semaine leur troisième édition. Jusqu’au dimanche 23 février, le festival accueille en divers lieux de Fribourg de multiples événements célébrant la littérature au sens le plus large du terme. Cette 3e édition met un coup de projecteur sur les pratiques du stand-up, des jeux de rôle et de la langue des signes. Quel lien avec la création littéraire? Textures a pour ambition de questionner toutes les pratiques d’écriture créative, même les plus marginales ou considérées comme telles. C’est pour cette raison que je parle toujours de littératures au pluriel. Dans la mesure où l’écriture de stand-up est une forme d’écriture particulièrement consciente de sa réception; dans la mesure où le jeu de rôle est une forme de narration semi-improvisée et que la LSF est une langue, tous trois ont totalement leur place dans un festival littéraire.
Vous accueillez cette semaine une délégation d’auteurices québécois·es, une scène inspirante pour cette autre outsider de la francophonie qu’est la Suisse? Les auteurices de la Suisse francophone partagent en effet de nombreux traits avec les collègues du Canada francophone, parfois les mêmes obstacles. Mais le choix de programmer des auteurices du Québec à Textures est surtout porté par l’envie de faire découvrir la qualité de leurs œuvres, encore très largement méconnues en Europe. Il y a une créativité et une force dans leurs voix que je trouve extraordinaires.
Qu’en est-il de la scène fribourgeoise? Sentez-vous une émulation créative liée à la présence de Textures?
Elle émerge petit à petit c’est certain. Disons que je suis surtout content de pouvoir montrer qu’elle ne se contente pas d’une célébration folklorique du terroir mais qu’elle dit quelque chose de notre monde actuel - comme Mélanie Richoz, Sonia Menoud ou Michal Steinemann. Dans ce sens, si Textures joue un rôle de locomotive, j’en serai très fier. Reste que les soutiens publics sont encore légers en regard de l’importance qu’est en train de prendre Textures. À nous de poursuivre notre engagement! Propos recueillis par Nicolas Julliard
Max Lobe, La danse des pères, ed. Zoé
A la fenêtre de son appartement genevois, Benjamin Muller, danseur classique, remonte le fleuve de son héritage familial camerounais. Dans une langue tournoyante aussi vive que l’eau d’une source, Max Lobe raconte ceux qui ont fabriqué son protagoniste amateur de pointes. Lire la suite
Jacques Gamblin, Mère à l'horizon, ed. Robert Laffont
Dans son roman paru en janvier, l'acteur français Jacques Gamblin tente de garder le lien avec sa mère nonagénaire qui perd peu à peu la mémoire. Au fil du récit, il égrène ses souvenirs d'enfance et d'adolescence et ses premiers pas dans le monde du théâtre. Lire la suite
Marceau Miller, Le roman de Marceau Miller, ed. La Martinière
C’est LE coup éditorial de ce début d’année. Vendu comme le polar qui affole le monde du livre, Le roman de Marceau Miller doit beaucoup de son succès à une stratégie marketing savamment menée, jouant sur l’énigme de son auteurice-mystère. Plume connue, jeune pousse aux dents longues ou simple travail d’intelligence artificielle générative? Philippe Congiusti a mené l’enquête.
Sébastien Dulude, Amiante, ed. La Peuplade, 224 p.
Poète, performeur et éditeur, Sébastien Dulude séduit bien au-delà de son Québec natal avec ce premier roman magistral. Brodé à partir de ses souvenirs d’enfance, le récit conte deux étés dans l’enfance et l’adolescence de Steve, un garçon sensible et timoré se cognant aux brutalités d’une campagne minière où l’ennui macère. Un récit drôle et émouvant, portrait d’époque porté par une langue à l’oralité joueuse. Table ronde et performance samedi 22 février à 11h et 20h
Roman
Vincent Brault, Le fantôme de Suzuko, ed. Héliotrope, 204 p.
Dans ce troisième roman aux accents fantastiques, Vincent Brault compose une tragédie amoureuse à la sensualité vive. Montréalais passionné par le Japon, Vincent, double de l’auteur, traque à Tokyo le fantôme de Suzuko. Une artiste-taxidermiste dont les masques animaliers deviennent une seconde peau, jusqu’à l’emporter avec eux dans l’au-delà. Singulier, ludique et tendre, un conte pour adultes au charme irrésistible. Table ronde et conférence-lecture samedi 22 février à 11h et 16h
Revue
Divers, L’Epître vol. XI, ed. PLF, 170 p.
Depuis 2013, la revue L’Epître, très active sur la toile, offre un tremplin annuel aux nouvelles voix de la scène littéraire suisse. Au fil de ces onze inédits de styles et de formes très divers, l’intime, le voyage et la douleur irriguent les narrations de ces jeunes écritures. Mentions spéciales aux mystères alpins d’Ami Lou Parsons (La forme du monde), au cycle poétique délicat d’Isabelle Descartes (Dix bouches cousues) et aux violences familiales de Théodore Bérut (La blessure). Le vernissage a eu lieu jeudi dans le cadre de Textures
Roman
Alice Bottarelli, Stéphanie Cadoret et Marilou Rytz, Voyage du Nautiscaphe et de sa cheminée dans la fosse des Nouvelles-Hébride, ed. Presses Inverses, 232 p.
Nouvel exemple de la vitalité des projets collaboratifs en Suisse romande, Le Voyage du Nautiscaphe explore, sur le mode du pastiche admiratif, l’art du roman d’aventure popularisé par Jules Verne. A trois plumes, partageant écriture et illustrations, Alice Bottarelli, Marilou Rytz et Stéphanie Cadoret composent un récit savoureux, entrelaçant les carnets de bord de trois protagonistes participant à une exploration scientifique à la lisière du fantastique. Performance de Marilou Rytz samedi 22 février à 14h
Invité vedette de la troisième édition de Carouge fête la BD, Frederik Peeters y expose ses créatures et ses portraits insolites jusqu'au 30 mars. Auteur connu de la scène suisse et internationale, le bédéiste genevois maîtrise science-fiction, polar, western, fantastique et récits intimes.
RTS Première, Quartier Livre, dimanche 23 février à 16h
Fondées en 2021 sur les cendres du Salon du livre romand, les rencontres littéraires Textures accueillent cette semaine Quartier Livre en public au cœur du festival, à l’Arsen’alt de Fribourg, en compagnie de l'écrivain québécois Sébastien Dulude, de l’autrice broyarde Marilou Rytz et de Matthieu Corpataux, directeur de Textures.
Genève, Maison Rousseau et Littérature, dimanche 2 mars, 14h
La MRL propose chaque mois des visites guidées gratuites du Parcours Rousseau, au cœur de la Maison Rousseau et Littérature, à l’emplacement même de la maison natale de l’écrivain. A travers sept niches thématiques, un parcours audiovisuel affronte les paradoxes du philosophe comme une invitation à questionner notre présent, qu’il semble anticiper.