Si Faulkner a marqué les écrivains nés juste après la guerre (Fata Morgana vient de rééditer « L’Invention du présent » de Pierre Bergounioux, qui lui consacre un chapitre), son influence avait considérablement diminué avec le raz-de-marée de l’écriture de soi et de l’autofiction. Mais voici qu’un jeune romancier, l’Espagnol Jacobo Bergareche, donne le premier rôle, dans « les Jours parfaits » (Actes Sud), à l’auteur du « Bruit et la fureur ». L’histoire se déroule à Austin, au Texas où, à l’occasion d’une conférence, Luis fait la connaissance de Camila, une jolie Mexicaine qui le sauve de l’ennui de ce voyage de presse. Après quelques jours de transe amoureuse, Camila prie Luis de l’oublier, car chacun a sa vie de retour à la maison. Luis promet d’effacer son numéro du répertoire de son téléphone mais rien ne s’oppose à ce qu’il lui écrive une longue lettre, et c’est cette lettre qui donne à ce roman sa séduisante forme épistolaire. Austin n’est pas seulement un important centre universitaire (on y trouve la prestigieuse University of Texas). C’est aussi dans cette ville, réputée pour sa qualité de vie, plus douce que dans les deux grandes mégapoles, Houston et la gigantesque agglomération Dallas-Fort Worth, que le Harry Ransom Center a été fondé par un milliardaire dont la collection de manuscrits et de documents littéraires est la première au monde (du moins en tant qu’institution privée). Allez faire un tour sur leur site, vous verrez ce qu’on y trouve, des papiers d’Ernest Hemingway aux premières éditions de Shakespeare. C’est l’Imec fois mille (même si l’Imec c’est déjà très bien). Coïncidence : Luis a découvert, au Harry Ransom Center qu’il visite pour les besoins de son reportage, les lettres d’amour secrètes de Faulkner à une femme rencontrée elle aussi par hasard, Meta. Jacobo Bergareche décrit l’atmosphère très particulière du Centre de recherches et cite des lettres du grand Bill Faulkner, dont il reproduit certains passages en fac-similé. Portrait touchant et inattendu du romancier sudiste, le roman de Jacobo Bergareche est peut-être le signe avant-coureur d’un retour de Faulkner sur le devant de la scène. Didier Jacob |