[Entretien] Véronique Louwagie : « Il faut diminuer le nombre d’agences de l’État »

 

Propos recueillis par Fabrice Durtal 

Véronique Louwagie

‍ⓒ @VeroLouwagie / Twitter

Entretien avec Véronique Louwagie, députée de l'Orne, rapporteur d’une mission d’information parlementaire sur la rationalisation de l’administration comme source d'économies budgétaires.

 

 

Cet entretien a eu lieu avant le début des travaux de la mission d'information qui rendra son rapport dans les prochaines semaines.

 

- Le démembrement de l'État est-il synonyme de son affaiblissement ?

 

Le terme « démembrement » en lui-même est déjà connoté négativement. La Cour des comptes a défini cette notion de démembrement de l’État comme « la tendance de l’État à confier certaines de ses tâches à une institution de droit privé, jouissant d’un régime juridique plus souple ».

 

A priori s’il s’agit d’être plus efficace, il n’y a pas d’inconvénient au démembrement.

 

Et, si effectivement, cette efficacité est perceptible, je ne crois pas que l’affaiblissement soit à craindre.

 

En revanche, la concrétisation de ce procédé est critiquable. D'abord, car échapper aux règles strictes du droit public ne semble pas toujours une bonne chose, ensuite car l’efficacité du procédé n’est pas toujours démontrée.

 

Au quotidien, on constate un manque de rationalité, de clarté, un éparpillement des responsabilités. Les dérives sont perceptibles et mal contrôlées.

 

Je crois effectivement que si l’outil concurrence parfois l’administration, si la lisibilité devient difficile, de même que le contrôle… alors il y a affaiblissement.

 

- Pensez-vous qu'il faille diminuer le nombre d'agences de l'État, et rationaliser leur fonctionnement ? (voir la pétition de Contribuables Associés sur ce sujet)

 

Il le faut. C’est même le cœur d’amendements que j’ai défendus avec les députés du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale à l’occasion du Projet de loi de Finances pour 2023 et du Projet de loi de Programmation des Finances Publiques. Ces propositions n’ont pas été entendues.

 

En l’absence de cibles chiffrées, aussi ambitieux le discours puisse être, les objectifs ne sont en réalité pas réellement contraignants pour les ministères. Et ce d’autant que les agences de l’État doublonnent souvent avec d’autres entités locales ou nationales.

 

Par exemple, l’établissement public du Marais poitevin, opérateur de l’État créé en 2010, doublonne avec le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, les directions départementales des territoires des Deux-Sèvres, de Charente-Maritime et de Vendée, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement ou encore de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.

 

En donnant un objectif chiffré, quoi que très raisonnable, nous voulions que l’État s’engage au-delà de simplement demander à ses ministres de faire des efforts.

 

Je crois que sans obligation de résultats, l’exigence que l’on s’impose n’est pas la même. On trouvera toujours une utilité à conserver ce qui ne l’est pas, comme un vieux journal qu’on entrepose dans un coin au cas où…

 

- Peut-on citer des agences dont le rôle et l'efficience ne font pas l'unanimité ?

 

L’utilité des Agences régionales de santé est régulièrement questionnée.

 

Je ne souhaite pas stigmatiser une structure plutôt qu’une autre, alors même que je vais prochainement débuter un travail de clarification en tant que rapporteur d’une mission d’information à l’Assemblée nationale, relative à « la rationalisation de notre administration comme source d'économies budgétaires ».

 

Il est certain que je regarderai ministère par ministère la liste des agences et opérateurs et que je me poserai la question de l’utilité, des doublons. A minima, ce travail doit permettre de réinterroger le rôle et l’utilité de ces structures.

 

Dans l’idéal, il conviendrait que les pouvoirs publics justifient le maintien des structures en tenant compte de tous les échelons administratifs et pas seulement de ceux de l’État.

 

- Depuis une dizaine d'années le nombre d'agences de l'État, dont les opérateurs, régresse. Qu'en est-il des effectifs ?

 

Officiellement, l’État comptait en 2019 près de 1 200 opérateurs et organismes divers pour une dépense de plus de 80 milliards d’euros par an, 458 000 agents et une masse salariale a tendance exponentielle (25 milliards en 2012 qui monte à 30 milliards en 2017…).

 

Il y a globalement un manque d’ambition dans ce qui a été entrepris en France en la matière. Au Royaume-Uni, on dénombrait en 2018, 305 agences publiques pesant 203 milliards de livres et employant 273 126 agents. Une sérieuse réduction du nombre a été menée depuis le début des années 2010, le Parlement britannique exigeant la suppression de plus de 200 agences de l'État.

 

- IGF, Conseil d'État, Cour des comptes : tous les rapports prônent un meilleur contrôle des agences. Ce contrôle est-il défaillant et pourquoi ?

 

Je partage totalement ces avis. Vous citez des institutions sérieuses qui parlent d’une même voix, ce qui signifie qu’ils ont identifié des pistes d’amélioration.

 

Pour ce qui est des raisons d’une telle unanimité, j’imagine que s’il n’y a pas de missions claires, d’objectifs et de devoirs de résultats, il est difficile de savoir quoi contrôler et sur quels critères…

 

Là encore, je peux difficilement me prononcer sur les raisons des défaillances. J’aurais justement l’occasion de conduire des auditions en ce sens.

 

- Selon le jaune budgétaire, la moyenne des 10 plus haut revenus qu'emploient les agences est très élevé. Faut-il homogénéiser les rémunérations ?

 

Je trouve déjà problématique que les donneurs d’ordre puissent être moins rémunérés que ceux qui les appliquent.

 

Je ne dis pas que les serviteurs de l’État ont vocation à vivre d’air pur et d’eau fraîche et à travailler gratuitement pour les beaux yeux de la France, je dis que si l’État doit rémunérer convenablement ses serviteurs, l’argent public doit rimer avec décence et sobriété.

 

- La Cour des comptes regrette que la plupart des agences n'aient pas de contrat d'objectifs. Pensez-vous que l'usage de ces contrats doit être généralisé ?

 

La LOLF (loi organique relative aux lois de finances) a modifié en profondeur les modes de gestion de l’État en passant d’une logique de moyens à une logique de résultats. Il faut aller au bout de l’idée et généraliser cette pratique à toute l’action publique.

 

Seule la performance publique nous permettra de restaurer l’autorité régalienne, de redresser les comptes publics, de retrouver une société prospère, donc du pouvoir d’achat, et une nation unie.

 

Développer une culture de la performance est essentiel.

 

 

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