Jouissance du livre NICOLAS JULLIARD Dans son Lector in fabula, Umberto Eco reconnait à la lectrice, au lecteur, un rôle actif dans le processus créatif d’un livre, évoquant la “jouissance” que procure ce dialogue productif. Jouissance, c’est aussi le titre du nouveau roman d'Ali Zamir. Prenant au mot le principe énoncé par Eco, l’auteur comorien met en scène la parole libérée, débridée, sexualisée d’un livre qui se raconte à la première personne. Voyeur, violeur, le lecteur est pris à partie par le “verbe sauvage” du livre va-nu-pieds qui l’enjoint à se montrer plus actif, n’hésitant pas à le défier lorsqu’il s’agit d’attaquer un nouveau chapitre. Mieux encore, au sein de Jouissance, certains des personnages qui parcourent le livre (le même qu’on a sous les yeux, donc) ont accès à des récits qui nous demeurent cachés. Matérialisant le caractère unique de toute lecture, ce jeu troublant rend modeste: les livres que nous vous présentons ici et qui ont suscité notre enthousiasme ne seront, de toute évidence, pas les mêmes à vos yeux. Nous ne pouvons alors espérer qu'une chose: que pour vous, comme pour nous, la jouissance d'une lecture créative en soit le fruit. Bonnes lectures et bonnes écoutes!
C’est l’histoire d’un livre sans auteur ni domicile fixe, qui raconte son histoire à la première personne. Porté par une fantaisie débridée et un verbe rococo, le quatrième roman de l’auteur comorien Ali Zamir dynamite avec une jubilation communicative les genres littéraires et les codes de la lecture romanesque. Par Nicolas Julliard
EMOUVANT Valet, Dame, Roi
Epris de récits historiques, le romancier franco-suisse Alex Capus s’inspire de documents d’archives pour conter les amours contrariées d’un valet de ferme gruérien, envoyé au service de la cour de Louis XVI, et de la fille d’un riche paysan. Par Catherine Fattebert
DISCORDANT Traduire en juste
Le grand traducteur André Markowicz accompagne ses dernières publications d'un libelle consacré à la guerre en Ukraine. Une situation de rupture, ferment possible d'une mutation majeure de l'état russe. Par Francesco Biamonte
NAISSANT La littérature jeunesse a son festival
Comment la jeunesse sʹempare-t-elle de la lecture en 2022? Violaine Vidal et Nathalie Guisolan, co-fondatrices du Festival de Littérature Jeunesse de Vevey, dont la première édition se tient les 18 et 19 juin prochains dans différents lieux de la ville, nous en parlent dans Quartier Livre. Par Ellen Ichters/aq
RECITS Lillian Ross, Toujours sur la brèche, ed. du Sous-sol, 441 p. De 1945 à 2017, année de sa mort, Lillian Ross fut une des grandes plumes du New Yorker. Plus que des articles, la reporter écrivait des saynètes de plusieurs pages révélatrices de la société américaine, ses travers mais aussi ses élans. Un reportage percutant sur la couardise du tout Hollywood face au maccarthysme lui valut la notoriété. Mais c’est l’ouverture et la bienveillance de son œil discrètement malicieux qui caractérisent la belle et sobre écriture de celle qui fut - entre autres - l’amie de Hemingway. AS
JEUNESSE Adèle Dafflon et Annick Monod, Les secrets du souci, ed. du Bois carré, 40 p. Que se passe-t-il lorsque la nuit tombe dans les jardins et que les pétales du souci se replient sur eux-mêmes? Véritable livre-objet, le 6e numéro de la collection «Le petit druide» des Editions du Bois Carré entraîne le jeune public à découvrir le monde insoupçonné de la Calendula officinalis parun conte, une approche éducative et une mise en pratique. De l’histoire de Paquita jusqu'à la recette pour un baume fait-maison, vous saurez tout sur la "fiancée du soleil". Original et didactique. SG
REVUE Collectif, La part sauvage, ed. Zoé, 240 p. Les illustrations de Tom Tirabosco évoquent l’entrelacement entre l’homme et la bête, l’animalité et l’humanité. Quelle est la part sauvage qui subsiste en nous, s’interrogent les auteur.es invité.es dans la Revue suisse d’échanges littéraires. Un animal croise notre route, c’est une parenthèse ouverte dans l’ordinaire des choses pour reprendre les mots de Marie-Hélène Lafon. Pour Tommaso Soldini et pour Silvia Ricci Lempen, l’état de nature s’inscrit dans les déliés de l’écriture ou dans la construction sociale. Chacun.e est ainsi confronté.e à sa part sauvage, sa monstruosité et son humanité, pour mieux appréhender sa part domestiquée. CF
BD Anita Lehmann et Pierre Wazem, Chroniques de Genève, ed. Bergli, 80 p. L’érudition de l’autrice Anita Lehmann et le trait si reconnaissable de Pierre Wazem s’allient pour donner vie à l’histoire de Genève. Histoire et... légendes! Bien sûr que Gargantua n’a pas vraiment creusé le Léman, mais en 17 histoires ils nous ouvrent les portes d’une ville célébrissime et secrète à la fois, en suivant Allo l’Allobroge et son cheval. Visages étranges sculptés en façade d’un bâtiment, chaise géante, traces de Rousseau, déclarations de Jules César... De l’époque romaine jusqu’au CERN, le duo nous dresse un portrait ludique et riche de la cité de Calvin. Ville internationale oblige, La BD est également disponible en anglais. PPC
BRILLANT L'imaginaire pictural de Dürrenmatt
La nouvelle exposition du Centre Dürrenmatt de Neuchâtel, "L’arsenal du dramaturge", s'attache à mettre en lumière les liens étroits entre les dessins de l'écrivain suisse Friedrich Dürrenmatt et son processus d'écriture. Par Matthieu Oppliger, Lionel Bourqui et Gabriel de Weck/mh
Le dessinateur de presse et bédéaste fribourgeois Philippe Baumann, alias Debuhme était l'invité de Pierre Philippe Cadert dans Vertigo pour présenter sa dernière BD Le goût du sang (ed. Le Lombard). Elle met en scène un truand, Aldo, qui ne supporte pas la vue du sang chaud. Ecrire un roman policier à 21 mains, ou comment une classe de 8P de Saint-Légier a écrit un roman jeunesse sous la supervision de Marc Voltenauer. Quartier Livre accueille l’enseignant Esteban Feo et deux de ses élèves au micro de Nicolas Julliard et Daniel Vuataz. RTS-La Première, Quartier Livre, dimanche 19 juin à 16h