Le Digital Market Act redistribue les cartes | | « Nous avons fait un pas historique », estime Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique en France. Après pas moins de huit heures d'échanges, l'Union européenne a trouvé un accord provisoire ce jeudi 24 mars à propos de la législation sur les marchés numériques, soit le Digital Market Act (DMA) en anglais. Le projet a reçu le feu vert de la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Fini le traitement préférentiel Ce texte législatif historique vise à imposer le respect de la concurrence aux services en ligne d'acteurs dominants. C'est-à-dire les « gatekeepers » – des entreprises dépassant 7,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans l'UE ou 75 milliards d'euros de valorisation boursière – « ces plateformes qui constituent une porte d'entrée quasi incontournable entre des entreprises et les clients ». Les grandes plateformes du numérique auront interdiction d'accorder un «traitement préférentiel » à leurs propres services, par exemple en les favorisant dans les classements de recherche, explique Le Monde. Cet accord va permettre aux plus petites entreprises d'entrer sur le marché et de se faire une place au soleil entre les géants du numérique. Il s'agit donc d'une manière de réduire la barrière à l'entrée érigée par les Gafam. « Le DMA va permettre à davantage de services innovants de voir le jour en interdisant aux gatekeepers des comportements anticoncurrentiels. Ainsi, un moteur de recherche ne pourra plus favoriser ses propres services », confirme Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur. Vers la fin des pubs ciblées Il ajoute : « Lorsque vous achèterez un nouveau smartphone, vous pourrez choisir le moteur de recherche par défaut. Il sera également possible de supprimer les applications préinstallées, de passer par d'autres magasins d'applications que celui du fabricant. Avec la portabilité des données, vous ne serez plus prisonnier d'un écosystème. » Cet accord signe un regard plus strict vis-à-vis de la publicité et du consentement de l'utilisateur. Les entreprises auront pour obligation de recueillir son autorisation, dans le but de renforcer l'accord déjà existant du RGPD sur la protection des données. Une obligation « d'interopérabilité » entre les messageries Grâce aux mesures du DMA, les petites plateformes pourront demander aux services dominants de s'ouvrir sur demande et de permettre à leurs utilisateurs d'échanger des messages, d'envoyer des fichiers ou de passer des appels vidéo à travers les applications de messagerie. « Les petites entreprises vont pouvoir innover sans avoir à commencer par construire un réseau d'utilisateurs », se félicite Amandine Le Pape, cofondatrice de la startup Element, spécialisée dans les messageries sécurisées. Pour Techcrunch, cette mesure « contrecarre les effets de réseau typiques des plateformes sociales qui créent un verrouillage des services freinant l'innovation ». De grosses amandes à la clé Pour les sociétés qui ne se plient pas aux règles du Digital Market Act, les sanctions risquent d'être lourdes. Elles s'exposent à des amendes allant jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires annuel mondial. Cette sanction pourra aller jusqu'à 20 % en cas de récidives. Pour Margrethe Vestager (vice-présidente exécutive de la Commission européenne) et Thierry Breton (Commissaire européen au marché intérieur) qui ont porté le projet, c'est une immense victoire contre le lobbying des Gafam. « Le Digital Market Act est l'un des textes européens les plus importants et complexes que l'on ait conçus : il va structurer notre espace informationnel pour les vingt prochaines années », conclut Thierry Breton. ***** Et sinon, on a fait un petit tour à la conférence sur les nouvelles tendances de la communication politique, organisée par Stratégies. Le papier ici. | | | JUNGLE STORIES | Communication politique: rester audible dans le vacarme des réseaux sociaux À moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle, la campagne électorale a du mal à décoller. Les candidats n'impriment pas. Les canaux n'ont pourtant jamais été aussi nombreux. Alors, pour les candidats, comment rester audible au milieu de ce vacarme. Discussion entre Kéliane Martenon, ancienne responsable communication numérique à Bercy et auprès de Bruno Le Maire et Alexandra Klinnik, de la rédaction de Story Jungle. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | La campagne présidentielle ne fait ni chaud ni froid aux Français et TF1 semble du même avis. La chaîne télévisée a décidé de raccourcir son émission électorale à l'issue des résultats du premier tour pour diffuser... Les Visiteurs. On se moquait déjà de cette campagne jugée par beaucoup inintéressante, TF1 a su fournir le marteau pour enfoncer le clou. Pourquoi c'est un pavé ? C'est une première ! TF1 consacre habituellement toute sa soirée au débriefing des résultats du premier tour. En 2017, leur émission spéciale avait duré jusqu'à 22 h 35 alors que Les Visiteurs seront diffusés dès 21 h 20 le 10 avril prochain. Thierry Thuillier, directeur général adjoint du pôle information du groupe TF1, a expliqué ce choix à l'Agence France-Presse comme suit : « Les usages, les goûts et les attentes des téléspectateurs ont évolué, en raison "de la multiplication de l'offre". » Au grand dam des candidats, les téléspectateurs semblent préférer Jacquouille. | UN FORMAT À LA LOUPE | | Dans un secteur où il est difficile d'obtenir des datas et d'avoir une norme établie en termes d'audience, Apple avance stratégiquement ses pions. Pour concurrencer Spotify, son principal rival en matière de podcasts, la société a annoncé le lancement au mois d'avril d'outils d'analyse d'audience et de promotion. Les podcasteurs utilisant Apple Podcasts pourront ainsi suivre l'évolution de leur audience et accéder à des outils promotionnels pour les abonnements aux podcasts. Les fonctionnalités permettront aux podcasteurs de voir les mesures d'audience telles que le nombre de followers par émission ou encore le nombre de followers pour l'ensemble des émissions. En outre, Apple ajoute une fonctionnalité qui permet à certains utilisateurs de « demander des conseils directs » à l'équipe chargée des podcasts au sein de l'entreprise afin de « les aider à démarrer rapidement leurs abonnements ». Une fonction uniquement disponible, cependant, pour les podcasteurs qui font partie du club Apple Podcasters. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | « Ça va bien se passer », « Très beau costume », « Vous êtes très beau »... Les premières phrases d'Allison Chassagne – créatrice de la chaîne YouTube Glamouze – annoncent la couleur de la campagne choc #SiJetaisElles du collectif Sista et du fonds de dotation spécialisé dans la finance durable Mirova Forward. Pendant trois minutes, huit dirigeants parmi lesquels Nicolas Hiéronimus (L'Oréal), Cédric O (secrétaire d'État) ou encore Xavier Niel (Iliad-Free) répondent à des questions réellement posées à de grandes dirigeantes dans la presse généraliste. Le concept ? Montrer les différences flagrantes de traitements médiatiques entre hommes et femmes dans le milieu pro. Interviews en champ-contrechamp, le format est dynamique et décalé. Les sujets traités donnent lieu à un comique de situation tant ils peuvent paraître absurdes : « Est-ce que vous arrivez à ne pas vous laisser submerger par vos émotions ? », « Quelle est votre morning routine ? », « C'est très rare d'occuper de telles fonctions pour un homme de votre âge », lance la journaliste à Frédéric Mazzella, fondateur de BlablaCar, avant d'enchaîner : « vous avez droit à quel genre de commentaire, car ça a dû en étonner plus d'un ? ». Un procédé efficace qui permet de déconstruire des biais « très difficiles à désamorcer », selon les mots d'Anne-Claire Roux, directrice générale de Mirova Forward. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | « Je ne suis pas du tout fasciné par le jeu politicien, je ne suis pas la campagne comme la Ligue 1 ou une course de chevaux », explique Philippe Corbé, chef du service politique de BFMTV et ancien correspondant aux États-Unis de RTL. Il n'empêche qu'il y est très attentif. Inspiré par deux podcasts américains – le podcast d'entretiens de CNN The Axe Files, présenté par l'ancien conseiller de Barack Obama, David Axelrod, et The NPR Politics, le podcast de la radio publique américaine, il s'est lancé dans la création de son propre podcast, Le service politique, sur BFM. Sous la forme d'un journal de bord, les journalistes de la rédaction – habilités à suivre les politiques sur le terrain – reviennent sur les moments récents de la campagne : meetings, déplacements... « Sur BFMTV, beaucoup d'éditorialistes viennent exposer leur point de vue en plateau. Mais on a aussi une vraie force de frappe sur le terrain, avec beaucoup de reporters qui suivent les candidats, partout, tout le temps. Ce podcast leur offre un espace pour raconter ce qu'ils ne peuvent pas dire lors de leurs passages à l'antenne », précise Philippe Corbé. Un podcast à écouter ici. |
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