Le livre d'à côté - Voici QWERTZ #220

Vincent Guignet & Blaise Hofmann, Artisanes, ed. Noir sur Blanc, 240 p.

Noël avant l’heure avec ce beau livre qui met en évidence le travail de dix-neuf artisanes à travers la Suisse romande. Au fur et à mesure des pages, le lectorat découvre le travail de vitrailliste, forgeronne, sellière ou tisserande. Des métiers rares, uniques, qui demandent de la patience (on dit qu’il faut dix mille heures de pratique pour développer un artisanat – soit l’équivalent de trois heures par jour pendant dix ans). Grâce à ses sublimes photos noir et blanc, Vincent Guignet magnifie les savoir-faire, les ateliers et celles qui y travaillent. Quand aux textes de Blaise Hofmann, ils apportent un éclairage sur des femmes d’exception. SC

Myriam Wahli, Comme de l’eau dans l’eau, ed. La Veilleuse, 128 p.

Six ans après son premier roman, l’autrice romande Myriam Wahli compose, à la deuxième personne du singulier, le récit poignant d’une adolescence malmenée. Dans un futur proche, à l’orée du désastre climatique, Marcelle arpente le décor industriel de La Plaine, à Genève, prise en tenaille entre un grand frère neuroatypique et un père abuseur. De ce décor de fin du monde, de cette famille en perdition émerge pourtant la voix souveraine de sa narratrice, jaillie du corps et portée par une poésie stupéfiante. Splendide. NJ

Erik Orsenna, La cinquième saison - un roman vénitien, ed. Robert Laffont, 160 p.

Le "Wonder of the Sea", paquebot gigantesque rempli de touristes, manque de fracasser les canaux de la Sérénissime. C’est un de trop: la Nature décide de se venger, et arrête le temps, jusqu’à ce que les Hommes se reprennent. Le Doge et ses Dix reçoivent l’aide d’une figure inattendue: Antonio Vivaldi. Surgi d’on ne sait où, le compositeur jamais vraiment mort va devoir composer une "Cinquième Saison", afin de réconcilier les Eléments. Une fantaisie drolatique sur les dérives humaines, parsemée de notes d’humour éclairé typique de l’Académicien. EI

Gaël Josse et Wei Middag, Le fil entre nos coeurs, ed. La Joie de Lire, 56 p.

Le moment tant attendu du premier jour d’école est arrivé et Lilou est prête: dents lavées, chaussures aux pieds, cartable sur les épaules… Quand sur le chemin de l’école elle ne peut plus avancer par peur de ne plus voir sa maman, celle-ci la rassure de la plus douce des manières: " Tu vois, mon cœur, entre nous il y a un fil. Il est là tout le temps et nous seules pouvons le voir. Personne ne pourra jamais le casser." Gaëlle Josse et sa plume délicate retrouvent les dessins aériens et poétiques de Wei Middag dans cet album plein de douceur à mettre entre les mains des enfants qui vivent mal les moments de séparation avec les parents. SG

Frédéric Laffont, Au 24 Faubourg Saint-Honoré, ed. L’Iconoclaste, 224 p.

Aussi étrange que cela puisse paraître, aucun livre n’a encore raconté l’histoire de la maison Hermès, sise au 24, Faubourg Saint-Honoré, à Paris. C’est peut-être parce qu’il fallait une sensibilité particulière que le journaliste, écrivain et cinéaste Frédéric Laffont s’est vu offrir ce privilège. Sous sa plume, la saga de cette tribu, où au commencement était le cheval, et dont le métier a toujours été la sellerie (ne pas l’oublier), prend des allures de chant homérique. Encore détenue à majorité par la famille Hermès, la maison veut dire d’elle-même qu’elle est un lieu où l’on travaille, et que pousser ses portes, c’est entrer dans le pays de la main. Voici son histoire. EI

Yotam Ottolenghi, Comfort, ed. Hachette cuisine, 320 p.

Il est de ces livres qu’on attend et qui font du bien à nos estomacs. Le chef israélo-anglais Yotam Ottolenghi l’a bien compris, lui qui a le don du métissage culinaire et du réveil des papilles. Dans ce nouvel opus, c’est la cuisine liée aux souvenirs, celle des parents, des grands-parents, celle qui réconforte, que le chef met en avant. La «Comfort Food» est la nourriture du cœur. Puisant dans les traditions de tous les continents, le chef et son équipe nous proposent d’essayer le Tortang talong, une omelette aux aubergines philippine, le céleri-rave rôti et sa crème au gorgonzola d’inspiration italienne, ou les frites maison à l’indonésienne, de simples pommes de terre cuites au four enrobées d’une pâte pimentée. De quoi passer un très bel automne gourmand! CF

Jack Ouzi-Bader, Randos spa en Suisse: la façon la plus relaxante de découvrir la Suisse, ed.Helvetiq, 216 p.

On le sait depuis belle lurette, tout effort mérite récompense! Certains s’accommoderont de la vue d’un paysage alpin, d’autres des macaronis du chalet. A l’heure où les températures chutent et les jours raccourcissent, quoi de mieux que de terminer une randonnée par des bulles chaudes et relaxantes? 30 randos spa sont à découvrir dans toute la Suisse, de La Chaux-de-Fonds à Scuol, en passant par Heiden. Un descriptif (durée, difficulté, type de spa, âge minimum) accompagne chaque balade et une partie de celles-ci s’effectuent toute l’année. De quoi se réjouir de l’hiver. SC

Murielle Szac & Jeanne Detallante, Joan Baez dit non à l’injustice, ed. Actes Sud, 72 p.

Le parcours de la mythique chanteuse folk, raconté comme un fleuve que l’on remonte à sa source. Ici, la musique n’est pas le cœur battant du récit, mais l’engagement inébranlable de Joan Baez pour que soient abolies les discriminations, acceptée l’objection de conscience, montrées les atrocités de la guerre du Viêt-Nam. Un style qui varie avec les époques, mais qui respecte l’effusion des couleurs et la patte psychédélique indissociable des sixties, qui ont révélé aux yeux et oreilles du monde l’une des plus grandes figures du pacifisme. EI

Christophe Ylla-Somers, Le son de la révolte - Une histoire de la musique noire américaine, ed. Le Mot et le Reste, 366 p.

Depuis l’arrivée des premiers esclaves sur sol américain en 1619, jusqu’à la bande-son de Black Lives Matter, la musique n’a cessé d’être un instrument de combat contre les injustices structurelles des Etats-Unis. Dans cet ouvrage imposant et passionnant, l’historien-fan-de-musique Christophe Ylla-Somers (pourtant titulaire d’une maîtrise d’histoire médiévale), rend, chapitre après chapitre, hommage aux Sam Cooke, Bessie Smith, Nina Simone, ou encore Public Enemy (il y en a tant d’autres), qui ont donné voix au combat pour plus de justice, d’égalité et de dignité. EI

Mariana Enriquez, La petite sœur - un portrait de Silvina Ocampo, trad. Anne Plantagenet, ed. du Sous-sol, 304 p.

Plume majeure de la scène argentine, Mariana Enriquez sait ce qu’elle doit à Silvina Ocampo, orfèvre de la nouvelle fantastique disparue en 1993. Dans cette biographie à l’approche cubiste, l’autrice retrace la vie de cette fille d'aristocrates, amie de Borges, dévoilant au fil des témoignages les récits contradictoires qui façonnent le mythe de cette icône libre. Quitte à s’attacher davantage à débrouiller le vrai du faux de sa vie intime qu’à mettre en perspective son legs littéraire. NJ