La plateforme d’échanges de cryptomonnaies Coinbase a vu son chiffre d’affaires annuel s’effondrer de 57% en 2022, à 3,15 milliards de dollars, d’après ses résultats parus la semaine dernière. Elle demeure pourtant parmi les plus sérieuses de l’écosystème sur le plan financier. Son exposition aux acteurs insolvables, comme feu sa consœur FTX, n’a été que de 14 millions de dollars. Contrairement à celle-ci, l’entreprise américaine fait preuve de transparence sur ses comptes, tout simplement parce qu’elle n’a pas le choix depuis qu’elle est cotée à New York. On découvre ainsi qu’elle possède une grande partie de ses réserves en fonds monétaires, maintenant capables de lui apporter un peu de rendement. Pas de quoi offrir des bénéfices toutefois, puisque les pertes sont de 2,6 milliards en 2022 après une année de bénéfice record en 2021, à 3,6 milliards. Les partenariats de Coinbase avec des acteurs comme BlackRock ou Google sont des signes encourageants, de même que sa volonté de collaborer avec les autorités américaines. La plateforme a ainsi accepté de régler un litige avec le gendarme américain des marchés portant sur sa conformité des années 2018-2019 par une amende de 50 millions de dollars, et d’investir autant pour améliorer ses propres contrôles. A une époque où le secteur risque de connaître une vague de stricte régulation, Coinbase se montre conciliant.
Brian Armstrong devrait interroger
Seulement, il y a des ombres au tableau et non des moindres. Premièrement, la plateforme n’est toujours pas enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers en France (une obligation lorsque l’on s’adresse à notre marché), malgré un site et des clients français, ce qui pourrait lui valoir de graves ennuis. Elle aurait néanmoins déposé une demande dans ce sens à l'automne 2021. Deuxièmement, en un an, elle a procédé au licenciement de près de 2.000 personnes pour un effectif initial de plus de 6.000. Réduire autant la masse salariale est signe d’une mauvaise anticipation des coups durs qu’allaient inévitablement rencontrer les cryptomonnaies après l’euphorie de 2021. Nous pouvons, d’ailleurs, nous questionner quant à la manière dont Coinbase renforcera la conformité dans ces conditions.
Enfin, la personnalité de son PDG, Brian Armstrong, devrait interroger, alors que Sam Bankman-Fried, ancien PDG de FTX, n’a éveillé aucun soupçon pendant longtemps. Il existe un risque réputationnel et psychosocial au sein de l’entreprise en raison de l’attitude de son patron : les coupes brutales dans les effectifs en sont l’illustration. A cela s’ajoutent de nombreux témoignages dans la presse américaine faisant état de discriminations et une réaction peu appropriée au problème de la part de la direction, qui, notamment, négligerait des recommandations d’un rapport interne. Elle n’a, d’ailleurs, pas communiqué sur un changement de politique depuis les faits présumés. L’entreprise embrasse ce que d’autres dans le secteur des technologies essayent aujourd’hui d’éviter : un mépris pour les enjeux sociaux.
Nous maintenons un avis à l’écart. La société offre un profil admirable côté règlementation financière aux Etats-Unis, mais possiblement défectueux en Europe et en interne. Elle est ainsi vulnérable non seulement sur le plan réputationnel, mais aussi réglementaire.
R. D.