A l’heure où j’écris ces lignes, je viens d’achever la coordination d’un hors-série du « Nouvel Obs » intitulé « “America First”, la folle histoire de l’empire américain » (il est disponible à la vente ici). Ce volume d’une centaine de pages, en kiosques depuis le 26 juin, est consacré à l’histoire de l’impérialisme étasunien, racontée depuis 250 ans… Et Dieu sait que cette histoire est fournie ! Pourtant, j’en suis arrivé à une conclusion, terrible : les Etats-Unis n’ont jamais, au cours de leur histoire, fait aussi peur. Ils ont mécontenté, indigné, scandalisé l’opinion, oui. En bombardant Hiroshima (1945), en intervenant au Vietnam (1965-1975), en favorisant le putsch du général fasciste Augusto Pinochet au Chili (1973), en promouvant un ultralibéralisme carnassier sous l’ère Reagan (1981-1989), en inventant des « armes de destruction massive » pour envahir l’Irak (2003)… On a pu haïr leur cynisme, leur absence de scrupules. Mais il ne s’agissait pas de peur – du moins, pas en Occident. Désormais, nul ne sait ce qui peut nous tomber dessus. Parce que d’une part, Trump et les siens abandonnent l’Europe à la Russie de Poutine – une Europe qui ne sait pas encore se défendre seule. Et qu’ils peuvent, à tout moment, allumer une guerre colossale contre la Chine (à propos de Taïwan, par exemple). Imaginez ces deux puissances nucléaires entrant en possible collision… Bien sûr, on dira : il y a déjà eu la crise des missiles à Cuba (1962), qui a fait craindre un affrontement atomique entre les Etats-Unis et l’URSS. Mais qui régnait à Washington alors ? John F. Kennedy, et non un personnage imprévisible, capable de n’importe quoi… Par exemple, envoyer l’armée mater de pacifiques manifestants à Los Angeles. Ou décomplexer, par ses outrances verbales, des militants radicaux comme Vance Boelter, suspect d’avoir voulu assassiner deux élus démocrates américains et leurs conjoints – probablement en raison de leur soutien au droit à l’avortement. Comme le souligne notre chroniqueur Pierre Haski, interviewé à la toute fin de ce hors-série, « il n’y a plus d’alliances, de “partnership”, et encore moins d’“amitié” entre les pays, mais une poignée de nations puissantes qui renforcent leurs intérêts en se servant chez les plus vulnérables ». Trump se fiche de l’Europe, déteste l’Otan et n’a qu’une envie : imposer partout sa force brute et infuser ses « valeurs » racistes, sexistes et antidémocratiques. Face à ces abjects desseins, que pouvons-nous faire ? D’abord, affronter l’idée que les Etats-Unis constituent désormais un danger. Comprendre ensuite où cette menace va plonger ses racines. Enfin, nous relever les manches, pour soutenir la construction d’une vraie alternative européenne, humaniste et… capable de se défendre. Arnaud Gonzague |