Une petite devinette pour commencer. Qui a dit ceci: «Nous allons forger la civilisation la plus libre, la plus avancée, la plus dynamique et la plus dominante qui ait jamais existé sur la surface de la Terre.» Lex Luthor? Voldemort? Zorglub? Le général Tapioca? Bien que son prénom prête à confusion, l’auteur de cette rodomontade n’est pas un personnage de fiction, mais bien le 47e président des Etats-Unis.
Dans son discours devant le Congrès mardi, Donald Trump ne s’est pas contenté de défier l’Europe, le Groenland et les Wokes. Il a également doublé par la droite les autrices et auteurs de récits d’anticipation. Que pourrait encore produire la fiction, quand les mots et les actes chéris des dystopies les plus sinistres prennent soudain corps devant nos yeux?
Le défi posé à l’imaginaire est immense: quelle écriture du réel opposer au projet mégalomane de potentats orwelliens? Quel verbe acide pour liquéfier les zombies de ce masculinisme faisandé? La mise au ban de milliers de livres, ordonnée par la nouvelle administration américaine, donne un signal encourageant: la lecture aurait encore le don d’inquiéter le pouvoir. Alors lisons!
Bonnes écoutes et bonnes lectures ! Nicolas Julliard
Paul Richardot, Fragrancia, ed. JC Lattès
Pour raviver l’image du passé, Proust avait sa madeleine. Hélias, personnage principal de ce premier roman, invente des parfums susceptibles de réveiller les souvenirs de ses clients. Parfumeur et écrivain, Paul Richardot combine ses deux passions dans un thriller capiteux. SC
Jérôme Chantreau, L’affaire de la rue Transnonain, ed. La Tribu
Qui connaît le massacre de la rue Transnonain? A partir de ce crime d'État, perpétré à Paris en 1834, l’auteur français Jérôme Chantreau compose un roman historique à la minutie remarquable, alliant la tension du polar à l’ampleur dramatique des grands romans du 19e siècle. NJ Lire la suite
Passionné par l’écrivain germano-suisse Hermann Hesse, Olivier Jochem lui rend hommage à travers un bref premier roman explorant le moment particulier où l’auteur de Siddhartha, désireux de se retirer du monde, apprend qu’on lui décerne le Prix Nobel de littérature. COC Lire la suite
Nicolas Feuz et Marc Voltenauer, Ultimatum, ed. Istya & Cie
Les deux auteurs romands avaient semé des indices dans leurs derniers polars et lors d'interviews. Nicolas Feuz et Marc Voltenauer sortent leur premier roman policier rédigé à quatre mains. Ultimatum mélange menaces terroristes, procès retentissant, cabales militaires et duplicité fédérale. CP/TS/SC
Le Prix RTS Littérature Ados a pour vocation de promouvoir la lecture et d’encourager la création littéraire destinée aux jeunes. Partout en Suisse romande, des lecteur·rices débattent des titres en lice avant d’élire le meilleur roman et de rencontrer l’auteur·rice lauréat·e. Le Prix 2025 a été décerné à Tristan Koëgel pour "Quand on dansait sur les toits".
Qu’est-ce que le prix RTS littérature ados? C’est une aventure fantastique! Ce prix existe depuis 2006 - on fête d’ailleurs ses 20 ans l’année prochaine. Avec l’ISJM (Institut Suisse Jeunesse et Médias), l’envie est de promouvoir la lecture et encourager la création littéraire destinée aux jeunes, les 13-15 ans. Nous sélectionnons 5 livres par année, francophones, et nous les soumettons aux classes, bibliothèques ou clubs de lecture qui s’inscrivent au prix. Dans chaque canton, un jury choisit son livre préféré. Puis, un représentant ou une représentante - en l’occurrence, il n’y avait que des filles cette année - par canton vient débattre dans nos locaux, à la RTS, et toutes se mettent d’accord pour attribuer le prix.
Un mot sur le lauréat 2025? Le livre choisit cette année est celui de Tristan Koëgel Quand on dansait sur les toits. On y découvre Pablo et Mayssane, qui se connaissent depuis toujours, et les chemins de leur relation: la vie, l’amour, l’amitié et le combat contre la maladie. Tristan Koëgel vit à Montpellier et est enseignant à côté de son travail d’écrivain. Je pourrai vous en dire plus quand je l’aurai rencontré au Salon du Livre! Ce que les ados ont aimé dans ce livre, c’est la justesse des émotions et l’esprit combatif que transmet le texte: "la mort n’est ni bien ni mal, elle est juste là". Je lis aussi toute la sélection et même si je n’ai plus 15 ans, j’ai pleuré toute seule le soir dans mon lit!
Quand le prix sera-t-il remis? Le 19 mars, le premier jour du Salon. C’est une tradition maintenant, nombre de classes participantes viennent rencontrer l’auteur. Je suis avec le lauréat sur scène pour l’interviewer mais souvent, je ne fais que la liaison entre les ados et lui, tant les jeunes le questionnent. C’est vraiment, vraiment un moment incroyable. On sent la passion de la lecture, l’envie de connaître. Des vocations émergent parfois. Ça me ravit chaque année.
Propos recueillis par Ellen Ichters
BD-docu
Keum Suk Gendry-Kim, Mon ami Kim Jong-un, ed. Futuropolis, 288 p.
Dans cette BD documentaire aussi effrayante que délicate, la bédéaste coréenne Keum Suk Gendry-Kim nous emmène sur son île de Ganghwa, à la frontière de la Corée du Nord, un endroit où les tirs militaires font partie du quotidien. De sa peur va naître l’envie d’en savoir plus sur Kim Jong-un, sa lignée, son enfance, ses passions, tout en rappelant le contexte historique et géopolitique entre les deux Corées depuis la partition en 1945. Un récit intimiste et instructif, magnifié par des pastels turquoise et violets. SC
BD-docu
Mathieu Maysonnave, Voie sèche, ed. PLF, 128 p.
Dans ce bref roman qui porte le parfum absurde des pièces de Dürrenmatt, le vieux Docteur Schuller s’immisce dans la vie de ses nouveaux voisins de palier: Albina et Luke, jeune couple qui attend un heureux événement. Mais à mesure que les échanges se multiplient, l’étrange s’invite: le vieil homme devient encombrant, séquestre le courrier et menace. Et comment parvient-il à deviner le sexe et le nom du futur enfant? Un texte insolite qui laisse la place à l’expérimental et à l’inexpliqué, où deux mondes sont reliés par un ancien vide-ordure d’où émanent les vies des voisins passés, les voix d’ancêtres, les piaillements d’oiseaux chamailleurs et les murmures des peuples du Pacifique. EI
BD
Candela Sierra, Je te l’avais bien dit, éd. Atrabile
On a presque envie de dire et écrire «ça colle et c'est piquant» tant il y a d'irrévérence, de justesse et d'inventivité dans cette première BD signée Candela Sierra. Dans une suite de saynètes qui s’imbriquent les unes dans les autres, l'autrice espagnole met en scène les non-dits et les malentendus relationnels, nos manquements à communiquer et cette indécrottable tendance de l'humain contemporain à prétendre tout ou ne rien savoir sur l'autre. Avec un coup de crayon qui fait la part belle à la couleur et au mouvement, elle n'oublie pas non plus nos sempiternelles (sur)interprétations, notre (extra)ordinaire hypocrisie, nos atte(i)ntes déçues, et notre difficulté à accepter la réalité. Dure dure et drôle drôle notre vie de sapiens sapiens du XXIème siècle. Tout est relatif! COC
Journal
Olivier Cadiot, Départs de feu, ed. P.O.L., 136 p.
C’est un étrange - et brillant - journal intime qui croise et traverse les époques, bouleverse codes et formes, nous fait passer du 16 mars 2023 au 15 juillet 1765, en alternant aujourd’hui, 1544, 1915, la fin du 18ème siècle, 1947 et les années 80. Le narrateur de Départs de feu fait les comptes d’une existence imaginaire, tout en évoquant subtilement la disparition de sa sœur et la possibilité de retrouver une communication avec elle via les arbres. Cadiot invente la forme de son récit en écrivant: chaque chapitre ouvre une fenêtre sur le début d’une nouvelle histoire en nous amenant sur les chemins poétiques de sa pensée. Une lecture profonde, drôle et terriblement singulière. SG
Emmanuelle Favier, Ecouter les eaux vives, ed. Albin Michel
Adrian Ramsay est "oreille d'or" à bord d'un sous-marin nucléaire de la Royal Navy. Isolée du reste du monde, la jeune femme est chargée d'écouter et d'identifier les bruits des profondeurs. Jusqu'au jour où elle rencontre Abel Lorca. Il est aveugle et vit dans une maison loin de tout, en Bretagne. Une passion dévorante va naître de cette rencontre. Emmanuelle Favier offre une œuvre où le calme des profondeurs contraste avec les tempêtes des passions humaines.
Dans Malencontre, son précédent roman, Jérôme Meizoz contait la disparition de Rosalba, une mère de famille éprise de liberté dont le narrateur était secrètement amoureux. Avec Le hameau de personne (ed. Zoé), le romancier valaisan prolonge le destin fictif de ce personnage: réfugiée dans un hameau d’alpage, devenue influenceuse mode sous le nom d’Emaney, cette belle femme élancée se voit espionnée par Jérôme Fracasse, un écrivain public aux aspirations poétiques qui rêve encore du grand amour. Par un jeu subtil de points de vue et de discours alternés, Jérôme Meizoz construit un roman polyphonique où les apparences, la réputation et les mondes numériques jouent un rôle central, jusqu’à venir en aide au romancier.
Terres de feu: sur les traces d'un dictionnaire envoûtant
RTS Première, Quartier Livre, di 2 mars à 16h
Fasciné par un dictionnaire du peuple Yamana, lʹun des plus au Sud de la Patagonie, le professeur Hestermann décide de sauver lʹouvrage de la menace nazie. Un périple qui le mènera entre lʹArgentine, Londres et la Suisse et dont le journaliste et romancier zurichois Michael Hugentobler fait le récit captivant, injectant des éléments de fiction dans la réalité historique. Il était l'invité d'Ellen Ichters dans Quartier Livre aux côtés de la traductrice Delphine Meylan et de l'anthropologue Geremia Cometti, qui a signé la postface.
Avec Je ne vis pas dans un jardin de roses (ed. La Veilleuse), Alexandre Lecoultre, écrivain et traducteur, propose une anthologie des poèmes de Maria Mercedes Carranza (1945-2003), figure majeure de la littérature latino-américaine du XXe siècle. Accompagné par Pierre Fankhauser en modérateur et Louise Knobil à la contrebasse, le traducteur présente et lit les poèmes. Une rencontre organisée dans le cadre du Printemps de la poésie.