Sous le couvercle fumant de cette newsletter, vous trouverez, mijotant paresseusement, une patate chaude, un avocat bien mûr et un ingénieur mondain. En préparant ce bouillon revigorant, nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas ajouter l’un des ingrédients incontournables de l’actualité du papier : la parution du « Retour de Lagaffe », 22ème album – controversé – des aventures de l’employé de bureau le plus nonchalant de toute l’histoire de la BD. Résumé de l’épisode précédent : c’est la guerre entre la fille du génial Franquin, détentrice des droits moraux de l’œuvre, et les éditions Dupuis, propriétaires des droits éditoriaux. Entre les deux, la justice a tranché en faveur des seconds ; Gaston Lagaffe revient donc, dessiné sur tablette par le Québécois Delaf. Mais à part ces deux (gros) points, l’album, tiré à 800 000 exemplaires par Dupuis, n’a pas pris le risque de poser plus qu’une pointe d’espadrille dans le XXIème siècle. Et c’est ce que la critique lui reproche : sans le génie de Franquin, la substantifique moëlle de Gaston risque l’évaporation. La question reste paradoxale : est-il véritablement possible d’ancrer Lagaffe dans le monde du travail actuel ? Avec ses burnouts, ses licenciements, son télétravail ? Gaston, immense procrastinateur au trouble de l’attention évident, est-il aujourd’hui autant à la marge qu’hier ? Se serait-il fait virer dès le 2ème album ? En l’absence d’une réponse qui mériterait une trop grande réflexion et une prise de risque salutaire, l’éditeur a choisi le confort moelleux de la nostalgie, en misant – probablement - sur une sortie suffisamment proche des fêtes pour que les mains acheteuses ne tergiversent pas trop longtemps. C’est donc sans gaffophone, sans contrats, sans mouette, ni chat, mais avec un gros « Rogntudjuuuuuu ! », que nous vous servons notre bouillabaisse qwertzienne cette semaine. Bonnes lectures et bonnes écoutes !
JOUISSIF
Toutou doit disparaître
Marie Beer, "Patate chaude", ed. Encre Fraîche Dans une langue théâtrale et jubilatoire, Marie Beer conte avec ce huitième roman l’histoire d’un deuil rocambolesque. Kob s’est donné la mort et son entourage doit faire avec ses anciens amis tyranniques et sa chienne massive dont personne ne veut. Par Layla Shlonsky
Paolo Giordano, "Tasmania", ed. Le Bruit du Monde, trad. Nathalie Bauer Dans un roman exploratoire et virtuose, l’auteur italien Paolo Giordano conte l’errance parisienne d’un scientifique en quête de sens dans un monde bouleversé par les attentats, le réchauffement climatique et les mutations à l'œuvre dans les sphères intimes et sociales. Par Sylvie Tanette
Randall Schwerdorffer, "Itinéraire d’un avocat hors norme", ed. Hugo Publishing Si les affaires criminelles font le beurre de la fiction, elles sont aussi passionnantes à lire lorsqu’elles émanent d’un avocat aux premières loges, comme le Bisontin Randall Schwerdorffer, qui narre ici dix affaires sanglantes et bouleversantes. Par Philippe Congiusti
Dans Le grand je, bande dessinée en noir et blanc dense et soignée, la Genevoise d'adoption Rachel Deville décrit un monde fantasque qui produit trop, mais offre peu. Un livre loin d'être cynique ou désespéré, qui se veut plutôt une invitation à l'insoumission. Propos recueillis par Anne Laure Gannac Adaptation web: Lara Donnet
Michel Rabagliati, Rose à l’île, ed. La Pastèque, 256 p.
Bédéaste célébré pour sa série des Paul, Michel Rabagliati s’essaie ici à un autre genre. Avec Rose à l’île, le Québécois trousse un récit très personnel, tenant à la fois du carnet de voyage et de l’exploration intime. En vacances avec sa fille Rose sur une île du Saint-Laurent, le dessinateur tente de surmonter sa dépression latente. L’influence de sa fille, de l’île et de ses habitants généreux vont l’y aider. Un récit touchant, d’une justesse remarquable. NJ
autobiographie
Lori Saint-Martin, Pour qui je me prends, ed. L’Olivier, 160 p.
Elle a changé de ville, de langue et même de nom pour devenir quelqu’un d’autre. La traductrice canadienne, décédée l’an dernier, raconte ici son histoire de transfuge de classe. Née dans l’Ontario, au sein d’une famille d’ouvriers anglophones, Lori Saint-Martin s’est passionnée très jeune pour la langue française qu’elle découvre à l’école et qui lui permet de se créer un espace à elle. Au-delà de son cas personnel, l'autrice réfléchit à tout ce qui est véhiculé par une langue maternelle. ST
musique
Christophe Schenk, Bonnie 'Prince’ Billy - I See a Darkness, coll. Discogonie, ed. Densité, 128 p.
Journaliste à RTS Info, responsable de la newsletter Suisse Good, Christophe Schenk est d’abord un passionné de musique. Et parmi ses héros personnels figure en bonne place l’Américain Will Oldham, alias Bonnie ‘Prince’ Billy, auteur en 1999 d’un album devenu classique. En retraçant le parcours erratique de ce songwriter prolifique, en analysant les titres qui composent ce disque tendu entre classicisme country-folk et libertés formelles, entre sinistrose et lumière, l’auteur rend aussi un bel hommage à une ère révolue de la musique indépendante, où l’artisanat du disque n’était pas un vain mot. NJ
recit
Bernadette Richard, La chambre noire, ed. Favre, 144 p.
Dans ce récit poignant, la journaliste et écrivaine suisse condense les trajectoires de trois histoires familiales dans un même texte. Largement inspiré de sa propre enfance, La chambre noire retrace une vie traumatisante faite de maltraitances et de dureté. Tout se déroule dans les années 1950-1960, au cœur du milieu ouvrier de l’arc jurassien. Le décor est austère et une petite fille subit des violences de la part de sa mère. L’enfant sera contrainte d’apprendre la résilience afin de se construire pleinement. LS
en vidéo
"Booké" garni
Cette semaine, c’est à Fribourg que s’est rendue l’équipe de « Booké », plus précisément à l’Université - au bâtiment Miséricorde. Alors que lisent les étudiant·tes ? De One Piece à Kate Quinn en passant par l’histoire du cinéma, voilà ce qui vous attend dans ce nouvel épisode.
Avez-vous vraiment lu Olympe de Gouges ? Et Catherine Colomb, vous la connaissez ? Les autrices comptent-elles aujourd’hui plus de lecteurs qu’avant ? Et si on remplissait les rayons d’une bibliothèque sonore ? La bibliothèque sonore des femmes c’est une installation littéraire et téléphonique qui voyage dans les villes et les lieux et fait vivre, le temps d’un coup de téléphone fictif, des écrivaines connues ou inconnues pour donner envie de les lire, de les citer, de colporter leurs idées et leurs pensées. Ce documentaire retrace l’histoire de cette aventure humaine, artistique et littéraire. La bibliothèque sonore des femmes, un projet de Julie Gilbert, réalisé par Jon Haslebacher, produit avec le LABO. Le LABO, RTS Espace 2, sa 25 novembre
Dans son dernier essai, OSS 117 – L’espion est-il mat ? (ed. Antipodes), notre invitée, Morgane Gay-Bianco explore le phénomène de la littérature d’espionnage, à travers la figure d’Hubert Bonisseur de la Bath, espion de la CIA sous le nom de code OSS 117. Avant James Bond, avant les romans SAS de Gérard de Villiers, il y a eu les romans à succès de Jean et Josette Bruce, qui ont posé la figure de l’espion parfait parcourant un univers simpliste, exotique et érotisé avec pour mission de sauvegarder le « Monde Libre ». Mais comment la littérature d’espionnage tient-elle l’épreuve du temps dans un monde qui fait la chasse aux stéréotypes ? Animation : Ellen Ichters / Chronique : Catherine Fattebert Quartier Livre, RTS La Première, di 26 novembre
Pourquoi le thriller attire-t-il la jeunesse ? Comment expliquer un tel succès ? Pour en discuter, Pierre Philippe Cadert reçoitGabriel Bender pour Gore des Alpes, Catherine Rolland pour son Prix Polar romand 2023, ses polars pour jeunes et ses romans pour adultes, Marc Voltenauer pour Le temps des sorcières et Olivia Gerig pour Hors-Jeu. Animation : Pierre-Philippe Cadert Vertigo, RTS La Première, ve 17 novembre
Tous les deux ans, la Fureur de Lire sʹempare de Genève. Rencontres, performances et animations en tout genre célèbrent trois jours durant (24-26 nov.) les joies de la lecture et la fertilité des échanges entre plumes dʹici et dʹailleurs. Auteur passionnant de la scène algérienne, à lʹhonneur au festival, Mustapha Benfodil nous parle au bout du fil de Terminus Babel, son dernier roman paru aux éditions Macula. Autre invité de Quartier Livre, le poète et éditeur Matthieu Corpataux nous offre un avant-goût de sa performance, en compagnie de Maud Mabillard , traductrice et programmatrice de la Fureur. Animation : Nicolas Julliard / Carte blanche : Quentin Mouron Quartier Livre, RTS La Première, di 19 novembre
Les objets qui appartiennent à nos parents prennent une dimension tout autre lorsque ces derniers décèdent. Une théière, un tableau quelconque ou un drap usé deviennent des relique que l’on chérit… ou que l’on rejette avec vigueur. Comment ces objets nous habitent-ils ? Comment nous aident-ils – ou pas- à faire notre deuil ? Tribu reçoit Ludivine Ribeiro, journaliste et photographe, autrice de Ma mère en toutes choses, aux éditions Arléa. Tribu, RTS La Première, ma 21 novembre
Passés recomposés: l’Histoire dans la littérature pour enfants et jeunes Pour leur 23e édition, les Journées d’AROLE proposent de se pencher sur le traitement de l’Histoire en littérature jeunesse. Comment faire découvrir aux enfants et aux jeunes des époques révolues en recréant certaines atmosphères ? Comment leur expliquer des évènements historiques, parfois fort complexes et les sensibiliser au processus de reconstruction et à la nuance ? Comment les rapprocher des personnages ayant vécu longtemps avant eux ? En partant des figures mises en scène, fameuses ou anonymes, positives ou négatives, historiques ou fictionnelles, il s’agira d’explorer le passé recomposé en littérature jeunesse et son potentiel d’inspiration auprès des enfants et des jeunes pour les aider à façonner notre futur commun. Journées d’AROLE, Chavannes-près-Renens, ve 24 -sa 25 novembre
Lecture Canap / Genève Une Lecture Canap un samedi ? Hérésie ! C'est parce qu'on propose celle-ci dans le cadre de la Fureur de lire ! Le programme est alléchant : on reçoit Joseph Incardona non pas en tant qu'auteur, mais comme traducteur. Sa traduction du roman de Luca BrunoniLes silences (Luca sera là aussi, bien entendu) vaut le détour. Comme d'habitude, la rencontre a lieu dans le salon d'une volontaire, il y a un apéro – et il faut s'inscrire en ligne. Ah, et comme c'est dans le cadre de la Fureur, l'entrée est libre ! Lecture Canap, Genève, sa 25 novembre
Dédicace Sara Najjar Vous l'avez découverte lors de l'exposition de septembre/octobre à la librairie l'Inopinée : Sarah Najjar, l'auteure talentueuse du roman graphique magnifiquement illustré Un souffle à l'aube, sera à l'Inopinée pour une session de dédicace exceptionnelle. Ce sera également une occasion unique de découvrir et d'acquérir ses prints et ses cartes, disponibles à la librairie ce jour-là. Venez partager un moment d'échange et repartez avec des souvenirs signés ! L'Inopinée, Lausanne, sa 25 novembre
Lecture Canap / Lausanne Connaissez-vous Martina Clavadetscher? Elle est l'une des jeunes dramaturges et écrivaines alémaniques les plus en vue du moment (elle a notamment reçu le Prix suisse du livre en 2021). Elle fait des vagues en francophonie également : son deuxième roman, Trois âmes sœurs, traduit par la Lausannoise Raphaëlle Lacord aux éditions Zoé ce printemps, a figuré sur la liste du prix Médicis étranger 2023. Une Lecture Canap bilingue, donc, modérée par Marie Fleury, pour parler de femmes qui font la différence, d'IA et de désobéissance. Lecture Canap, Lausanne, di 26 novembre