Meta : la méga-averse | | Après la vague de licenciements chez Twitter, annoncée via un mail envoyé à 1 h du matin par Elon Musk à ses équipes, c'est l'autre maison bleue de la Silicon Valley qui vient d'officialiser le plus important plan social en valeur absolue dans cette industrie ces dernières années. Story Jungle tente de démêler les fils des ratés et des succès de Meta. Mercredi dernier, Mark Zuckerberg a adressé une lettre (tout en contrition) à ses employés indiquant que Meta allait licencier 11 000 personnes. Soit 13 % des effectifs qui perdront tout accès aux systèmes informatiques de l'entreprise, avec effet immédiat. À une exception près : « Nous laisserons les adresses mail actives jusqu'à la fin de la journée pour que tout le monde puisse dire au revoir. » Ambiance. La conséquence inévitable d'une série de mauvaises nouvelles pour la maison mère de Facebook. Pêle-mêle : un CA qui recule de 4 % au troisième trimestre, un bénéfice net qui plonge de 52 % et un titre qui s'écroule de près de 24 % à Wall Street sur la même période. Pour un recul total de plus de 70 % depuis le début de l'année, soit environ 600 milliards de dollars de capitalisation envolés. Ouch. Wall Street salue la manœuvre
Ce bilan catastrophique, Zuckerberg l'assume à 100 %. Dans sa lettre, il reconnaît « une erreur » d'analyse et des investissements trop gourmands pour surfer sur la hausse de l'e-commerce ou des différents usages en ligne : « Beaucoup de gens – dont moi – prédisaient que cette accélération serait permanente. Malheureusement, cela ne s'est pas passé comme je l'avais prévu. Non seulement l'e-commerce est revenu à sa tendance précédente, mais la dépression macroéconomique, la concurrence renforcée et la perte de marqueurs importants pour les annonceurs ont fait chuter nos revenus bien plus bas que ce que j'aurais pu anticiper. J'ai fait une erreur et j'en prends l'entière responsabilité. » Mea culpa que les investisseurs devraient apprécier. Le jour même, quelques heures avant l'ouverture de la Bourse, le titre du groupe était déjà remonté de 5 % en réaction aux rumeurs autour de ce plan de licenciements qui, ironie du sort, concerne principalement les équipes commerciales et... recrutement. D'autant qu'à ce plan viennent s'ajouter des mesures d'économie de type gel des embauches ou bureaux partagés, « une revue approfondie » des investissements dans le métavers – « Nous pouvons y arriver en dépensant moins » – et la promesse de « concentrer les ressources sur des priorités ». Comprendre : faire moins de Pixar et plus de TikTok. « Un travail d'importance historique »
Lors d'une conférence avec des analystes fin octobre, Mark Zuckerberg rappelait : « la hausse actuelle de nos dépenses d'investissements est essentiellement due à la construction de nos infrastructures d'IA ». Investissements jugés incontournables par les actionnaires, car la firme mise sur l'intelligence artificielle pour copier la recette de son rival chinois en proposant des vidéos plus courtes, plus engageantes, à ses utilisateurs. « En d'autres termes, c'est la meilleure façon pour Meta de dépenser son argent », synthétise Ben Thompson dans les colonnes de sa newsletter Stratechery. En parallèle, gênée par les nouvelles règles de confidentialité d'Apple qui l'empêchent de cibler les détenteurs d'iPhone comme elle l'entend, Meta investit également dans l'IA pour améliorer ses algorithmes qui veillent sur la pertinence des publicités de ses clients, qui ont grand besoin de se sentir rassurés. Ce qui explique pourquoi, dans son courrier, Mark Zuckerberg passe bien rapidement sur le gouffre financier qu'est devenu Reality Labs et dont nous vous parlions récemment : son Métavers. On parle tout de même de 10 milliards de dollars de pertes en 2021 et un compteur 2022 qui affichait déjà 9,5 milliards fin septembre. Un gouffre à personnel, aussi. En 2020 et 2021, Meta, qui menait encore une politique de recrutement post-pandémie très agressive, a embauché 27 000 collaborateurs (déjà 15 000 en 2022), faisant passer les effectifs globaux de 33 000 à 87 000 en quatre ans. Dont une grande partie pour faire tourner Reality Labs et ses applications (Oculus ou Horizon Worlds) qui ne compteraient pourtant que 200 000 utilisateurs réguliers, selon des documents cités par le Wall Street Journal. « Notre travail est d'importance historique. Je suis convaincu que si nous travaillons efficacement, nous sortirons de cette mauvaise passe plus forts et plus résilients que jamais », conclut Zuckerberg dans sa missive. Plus forts et résilients peut-être, mais nettement moins nombreux. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Toujours outre-Atlantique, c'est un gros pavé qui a atterri dans la jungle du cinéma cette semaine : on apprenait mardi dernier que l'exploitant de salles AMC Theaters travaillait avec Zoom pour transformer ses salles en espaces de vidéoconférence géants pouvant accueillir de 75 à 150 personnes physiques, plus autant de collaborateurs virtuels qu'un écran de cinéma peut afficher. Avec service traiteur, conciergerie ou toute autre demande sur mesure négociable en amont. Le tout dans une ambiance velours, lounge, Eddy Mitchell. Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas clôturer la soirée par une mise en abyme 2.0 en regardant un petit film tous ensemble dans la même conf' call ? En tout cas, c'est la promesse établie dans le communiqué de presse, qui ajoute que ces Zoom rooms pourront également servir de relais pour diffuser des événements business pris d'assaut comme des grands salons ou les conventions type Comic-Con. Pourquoi c'est un pavé ? Parce que, chez nous aussi, l'existence des salles de cinéma est menacée par la chute des entrées, et certains réseaux sont déjà en vente. Comme celui de CGR (numéro deux derrière Pathé-Gaumont) et ses 74 cinémas. « La crainte, c'est le démantèlement du maillage de nos salles, qui fait notre dynamisme culturel, confirme Lucie Girre, la future déléguée générale de l'ARP. Si Amazon ou un autre achète demain une salle, quelle est notre garantie qu'il ne la transformera pas en autre chose ? » La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, vient d'ailleurs de monter au créneau lors des rencontres de l'ARP, la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs. Elle entend protéger aux niveaux national et européen « les actifs culturels stratégiques », dont les réseaux de salles de cinéma, mais aussi les sociétés de production et les catalogues d'œuvres. Chez les exploitants, on respire un peu mieux, mais l'inquiétude demeure : « Les règles françaises protègent déjà la diversité, pointe Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français. Mais des investisseurs européens peuvent aussi avoir des pratiques contraires aux objectifs de politique publique, de la même manière que des acteurs extra-européens peuvent s'y conformer. Le milliardaire américain Charles Cohen a racheté La Pagode, à Paris, et l'a reconstruite. Grâce à lui, ce cinéma va renaître. » Et sans split screen. | UN FORMAT À LA LOUPE | | Cette semaine, notre loupe se penche sur le journalisme d'investigation, bien vivant en France, notamment autour de la cause environnementale. Avec deux actualités en deux jours. Mardi 8, Disclose, le média d'investigation financé uniquement par des dons, à la manière d'un ProPublica aux États unis, mettait en cause la ministre de la Transition énergétique et le groupe Perenco, deuxième producteur français de pétrole après Total. Dans un dossier intitulé Perenco Files, Disclose, les équipes de l'Environmental Investigate Forum (EIF) et celles de Investigate Europe ont recensé pas moins de 167 affaires de pollution en République démocratique du Congo, où cette société qui exploite une dizaine de puits de pétrole serait accusée d'atteintes à l'environnement. Selon l'enquête, la société Arjunem, entreprise familiale détenue par le père et les enfants mineurs d'Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, partagerait des intérêts financiers avec Perenco et détiendrait plus d'un million d'euros dans des paradis fiscaux. La veille, lundi 7 novembre, le journaliste Hugo Clément annonçait le lancement à la mi-novembre de son propre média indépendant d'investigation. Baptisé Vakita – en référence au vaquita, le nom donné au marsouin du golfe de Californie, en danger critique d'extinction et répertorié comme le cétacé le plus rare de la planète –, ce média dédié à la cause environnementale prend la forme d'une plateforme vidéo payante (5 euros par mois) où une enquête sera proposée quotidiennement. Pour ce projet, Hugo Clément s'est entouré de ses anciens compères, à commencer par son associé, Régis Lamanna-Rodat, avec qui il prépare déjà le magazine Sur le Front diffusé sur France 5, et Axel Roux, le rédacteur en chef, passé lui aussi par France Télévisions et Konbini News. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Une table ronde, deux fauteuils noirs, un fond blanc et deux invités venus trancher une question fondamentale. Le concept de ce GQ Hype Débat est aussi simple qu'efficace : les deux orateurs ont 30 secondes d'intro pour affirmer leur position, avant de se déchirer pendant trois rounds de 60 secondes chacun thématisés autour de la question initiale. Deux armes seulement sont autorisées : le verbe et un « bullshit flag » à brandir pour déstabiliser l'adversaire lorsqu'il raconte n'importe quoi. Et ce sont les deux stars de la série The Bear (qu'on vous recommande chaudement, dispo sur Disney+), Jeremy Allen White et Lionel Boyce, qui ont relevé le défi de ce premier épisode : « Quel est le plus grand réalisateur de tous les temps ? » Réponse à la fin du chrono. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Mercredi dernier, c'était soirée foot au 20 h de TF1. Didier Deschamps y dévoilait la sacro-sainte liste des Bleus pour la Coupe du monde qui démarre le 20 novembre prochain au Qatar. Une liste de 25 joueurs où figurent quand même huit défenseurs centraux en incluant Benjamin Pavard, mais là n'est pas la question... Ce qui nous intéresse ici, ce sont les hasards du calendrier, car ces petits malins de Netflix ont également choisi ce jour pour sortir FIFA, ballon rond et corruption. Un docu-série qui revient sur le scandale de l'attribution de la Coupe du monde 2022, pour lequel les équipes ont eu accès à des milliers d'heures d'archives et tourné entre 300 et 400 heures d'interviews. Un travail colossal que détaille Miles Coleman, coproducteur : « Selon nous, 500 ou 600 personnes pouvaient être intéressantes. Nous avons finalement parlé à des centaines d'entre elles face et hors caméra : des gens "dans la salle", qui ont vu tout cela se produire de près, mais aussi des observateurs à l'intérieur de la FIFA et les dizaines de journalistes d'investigation de premier ordre qui ont couvert la FIFA pendant des années. » Ken Bensinger du New York Times et David Conn du Guardian, entre autres. Quatre épisodes d'une heure pour visiter l'arrière-boutique de la « FIFA Mafia », et bien préparer cette magnifique Coupe du monde... Pour tout commentaire, n'hésitez pas : paul.bemer@storyjungle.io |
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