Il devait faire bouger les choses. Finalement, c’est lui qui a dû partir. Jeudi soir, Nestlé a annoncé la démission abrupte de son CEO, Mark Schneider. Le diplômé de l’Université de Saint-Gall avait pris ses fonctions en janvier 2017. Il venait de Fresenius, un groupe allemand actif dans la santé, contrairement à tous ses prédécesseurs depuis 1922, qui avaient patiemment gravi tous les échelons avant de prendre la tête du joyau de l’économie suisse. Dès la fin du mois, le binational germano-américain ne sera plus directeur général. Alors, pourquoi ce départ précipité si peu dans la culture à laquelle le groupe veveysan nous avait habitués? Sophie Marenne apporte plusieurs réponses. La principale tient à l’insatisfaction des actionnaires, déçus par la performance financière du groupe. Une érosion de la confiance que reflète l’évolution du cours de Bourse. Depuis son pic à près de 130 francs il y a deux ans et demi, l’action a perdu un tiers de sa valeur. Or, le marché a toujours raison. Mark Schneider a pourtant fait ce que l’on attendait de lui. Il a réorganisé en profondeur le portefeuille de produits, mettant l’accent sur les croquettes pour chiens et chats (Purina), le café (Nescafé, Nespresso) et les alicaments, tout en gardant certains produits moins politiquement corrects, à l’image des barres chocolatées KitKat. Et, comme le rappelle Christian Affolter, jusqu’en 2021, le CEO pouvait se vanter d’une solide performance boursière. Entre sa prise de fonction et le pic évoqué plus haut, le titre s’est envolé de 80%... Il reste maintenant à voir ce que le nouveau patron, Laurent Freixe, un vétéran du groupe, mettra en place. En outre, le départ inattendu de Mark Schneider rompt avec la pratique qui voulait que le CEO sortant hérite de la présidence du poids lourd du SMI. Or, Paul Bulcke a 70 ans. A qui passera-t-il le témoin? Mais revenons à la discipline du marché. Si les choses tournaient mal pour UBS, Karin Keller-Sutter souhaite que l’Etat n’ait pas à intervenir comme ce fut le cas avec Credit Suisse. «Nous voulons rendre possible une résolution d’UBS. [...] Pouvoir échouer, cela fait partie du capitalisme», affirme la conseillère fédérale dans une grande interview publié vendredi dans nos colonnes. La cheffe du département des Finances (DFF) y défend aussi sa politique de rigueur et ses efforts pour remettre les comptes fédéraux sur de bons rails car, aujourd’hui, «la Confédération a perdu toute marge de manœuvre budgétaire», avertit-elle. Cette dernière ne se reconstruira pas seulement grâce à un plan d’économies. Les collectivités publiques ont aussi besoin de recettes fiscales. Pour l’instant, les rentrées sont bonnes, mais le départ de certains grands contribuables pourrait les fragiliser. C’est en particulier le cas à Genève, où les 3% les plus fortunés paient 80% de l’impôt sur la fortune. Longtemps, ces personnes trouvaient au bout du lac (et ailleurs en Suisse), un cadre attractif. Les choses changent, s’inquiète Gérard Delsad, responsable du bureau de Genève de Vitol, un géant du négoce de matières premières (400 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2023, quatre fois celui de Nestlé !). «Bien que la Suisse soit un pays stable politiquement, il y a une certaine forme d’instabilité grandissante à Genève, liée aux votations de plus en plus fréquentes, notamment sur des questions portant sur la compétitivité de Genève et la fiscalité des entreprises et des individus», ose-t-il déclarer dans un entretien exclusif. Un signal à prendre au sérieux, tant la prise de parole des acteurs de ce secteur réputé discret est rare. Deux derniers commentaires avant de se quitter. J’avoue ma perplexité devant l’envolée du cours de l’or, qui a atteint un niveau record historique. Comment se passionner pour un métal qui ne génère aucun intérêt et qui n’est pas comestible (alors que beaucoup le voient comme une protection en cas de fin du monde)? Oui, je sais, le marché a toujours raison. Et enfin une déception. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a, pour le moment, refusé son feu vert à un nouveau projet pilote de soins à Genève. Ce canton, qui affiche les primes d’assurance maladie les plus élevées du pays, aurait pourtant besoin d’innovation pour changer la donne. |