Samedi 28 juin 2025

En toute liberté

Chaque samedi, l'actualité vue par le rédacteur en chef

Frédéric Lelièvre
CEO et rédacteur en chef de L’Agefi

Un contrôle étatique à questionner

Le recours de Philip Morris contre le Valais au sujet de l’interdiction des puffs ne pose pas la bonne question

C’est un scoop que vous avez pu lire dans L’Agefi. Philip Morris International défie le Valais en justice, a révélé cette semaine ma collègue Laure Wagner. Le groupe dont le siège se trouve à Lausanne conteste l’interdiction de la vente des puffs décrétée l’an dernier par le Grand Conseil valaisan. Depuis le 1er mai, ces cigarettes électroniques jetables ne peuvent donc plus être achetées sur le territoire cantonal, mais continuent de l’être ailleurs puisque, sur le plan fédéral, cette mesure est encore en discussion. 

Le géant du tabac, dont le CEO a par ailleurs déclaré vouloir «mettre les cigarettes au musée», conteste précisément la légalité de ce zèle du Valais. Le Tribunal fédéral tranchera. 

En attendant, ce n’est pas l’aspect légal qui me dérange le plus dans ce dossier. Les arguments de santé publique sont connus: fumer tue. De plus, ces puffs à usage unique nuisent à l’environnement. Mais leur interdiction est-elle la meilleure réponse? 

  

J’en doute pour au moins deux raisons. La première tient à un des motifs invoqués pour justifier l’interdiction. Trop d’adolescents consommeraient des puffs. Pourtant, ce produit n’est autorisé à la vente qu’aux majeurs. N’est-ce donc pas, d’abord, à chaque famille d’agir? L’Etat ne peut s’inviter dans notre vie privée sous peine de déresponsabiliser les citoyens.  

Deuxièmement, plutôt qu’interdire les puffs en raison de leur impact environnemental, il serait possible d’inciter les consommateurs à ne pas les jeter. Pourquoi ne pas leur proposer une récompense financière s’ils retournent leur appareil au revendeur lors de leur prochain achat? Et en parallèle développer une filière de collecte et de recyclage ?  

N'oublions pas non plus que ces cigarettes électroniques ne présentent pas que des inconvénients. Faciles d’utilisation et peu coûteuses, elles permettent aux consommateurs de tabac d’essayer une alternative moins nocive avant de passer, idéalement, à la version rechargeable, plus écologique. Le tout sans intervention publique lourde, l’Etat conservant de toute façon le contrôle sur cette activité – et évitant l’émergence d’un marché noir. 

Pour que cette approche fonctionne, il faut faire confiance aux individus et de les rendre responsables. Hélas, ce n’est pas tendance comme on le voit dans d’autres dossiers, à l’image de celui de la 13e rente AVS: votée par le peuple, mais sans financement. 

  

«Le discours actuel incite la société à tout attendre de l’Etat.» Beat Kappeler posait ce diagnostic déjà l’an dernier. Cette semaine, interviewé par Jonas Follonier à l’occasion de la parution de la version en français de son dernier essai, l’ancien syndicaliste devenu économiste libéral commente les accords bilatéraux III avec l’Union européenne (UE) signés par Berne et Bruxelles. Le peuple aura le dernier mot sur ce dossier stratégique pour la Suisse. Beat Kappeler a déjà forgé son opinion. Pour lui, c’est non. L’Argovien critique la «perte de souveraineté» que ces textes impliquent, et il voit l’UE mettre à mal la prospérité de la Suisse. 

Rejeter ces accords ne sera pourtant pas sans conséquence. Pour l’accès au marché et à la main-d’œuvre européenne ou pour la coopération universitaire et l’approvisionnement en électricité. Beat Kappeler minimise: il évoque «quelques sanctions à court terme». Cela me semble un peu court. Un examen approfondi des accords reste à faire. A ce sujet, Swissmem a livré ses conclusions vendredi. L’industrie suisse des machines les soutient

  

Terminons par deux scandales. Les F-35 coûteront 20% de plus que les 6 milliards de francs votés par le peuple! L’armée manque bien de transparence, comme l’analysait notre correspondant à Berne. Alors, quelle solution ? Tout simplement respecter la voix du souverain et acheter moins d’avions de chasse afin de s’en tenir à l’enveloppe budgétaire. 

Deuxième scandale: les Etats-Unis n’appliqueront finalement pas l’impôt minimal sur les multinationales de l’OCDE, eux qui en avaient pourtant été les initiateurs… Dans ces conditions, la Suisse aurait intérêt à dénoncer à son tour cet accord afin de maintenir sa compétitivité face à la première économie du monde. 

Ce que vous n’aimeriez pas manquer
Face à la pression commerciale, Reitzel mise «sur la tendance à consommer local»

Alors que les géants de la distribution s’efforcent de tirer les prix vers le bas, le producteur aiglon de «pickles» refuse de se laisser entraîner dans une course au volume.

Lire la suite
Comment Pablo Isla peut aider Nestlé à retrouver le chemin de la croissance

ANALYSE. L’ex-dirigeant d’Inditex succédera à Paul Bulcke en avril, sept ans après avoir rejoint le conseil d’administration du géant de Vevey, alors que le groupe cherche à regagner la confiance des investisseurs.

Lire la suite
Fonds propres d’UBS: une commission en désaccord avec le Conseil fédéral

Un organe du National juge que la discussion sur le renforcement de la capitalisation d’UBS devait être repoussée. Cette décision prise à une courte majorité déçoit jusque parmi les voix critiques de la mesure.

Lire la suite
Comment PSP Swiss Property est devenu le leader ESG de l’immobilier suisse

Les grands acteurs du secteur ont mis sur pied des équipes dédiées aux critères de durabilité. Dans ce cadre, PSP aligne désormais son rapport sur les objectifs de développement durable de l’ONU.

Lire la suite
Le pouls des marchés
Les stablecoins font peser sur la finance un nouveau risque systémique

Le marché des bons du Trésor américain, utilisés à travers la planète, connaît de profonds bouleversements avec les émetteurs de monnaies numériques.

Lire la suite
Amrize prend son envol, Holcim se recentre

Le nouveau titre qui reprend les activités nord-américaines du géant suisse du ciment entre en Bourse à Zurich et à Wall Street. Il rejoint aussi l’indice SMI.

Lire la suite
Le classement de l’investissement immobilier durable chamboulé en 2025

Les premiers Press Scores de l’année affichent quelques surprises de taille, en raison notamment d’effets calendaires.

Lire la suite
En vidéo
«Be to B» - Livio Elia, CEO de Eskenazi
Des opinions qui font débat
La 13e rente AVS, abordable et finançable? Paroles, paroles…

Trouver les 5 milliards de francs afin de financer la dernière extension du premier pilier se révèle tout sauf facile.

Par Philippe Miauton

Lire la suite
Bilatérales III, une chance pour la Suisse

Il n’existe pas d’alternative crédible qui défende les intérêts de la Confédération aussi efficacement que la voie bilatérale.

Par Catherine Lance Pasquier

Lire la suite
A lire seulement dans Agefi Life
Alexia Barrier: «Osez poursuivre vos rêves»

Après avoir participé au Vendée Globe en 2020, la navigatrice souhaite remporter le trophée Jules Verne avec un équipage 100% féminin. Rencontre.

Lire la suite
Et la semaine prochaine ?

La Suisse annoncera-t-elle un accord avec les Etats-Unis sur le délicat dossier des droits de douane dès la semaine prochaine, voire ce week-end? Tel est le sens de la déclaration faite vendredi à Lausanne par la secrétaire d’Etat à l’économie (Seco), Helene Budliger Artieda, devant les horlogers suisses. Ces derniers étaient réunis à l’occasion de l’assemblée annuelle de leur fédération. Le temps presse car la suspension des tarifs «réciproques» (en réalité punitifs) de 21% prend fin le 9 juillet. 

En lien avec les Etats-Unis, nous suivrons aussi avec attention la chute du dollar, passé jeudi dernier sous les 80 centimes. Depuis janvier, le billet vert a perdu 13% de sa valeur face au franc. Une double peine pour les exportateurs qui subissent depuis avril le nouveau droit de douane de 10% imposé à la plupart des partenaires commerciaux des Américains.