Tout est chaos, comme chantait l’autre. Après l’adoption de la motion de censure à l’Assemblée nationale, le gouvernement de Michel Barnier, nommé trois mois plus tôt, a été renversé. Une situation inédite depuis plus de soixante ans, où personne ne peut préjuger de la suite. Seule certitude : la crise s’enlise. Les esprits s’échauffent. Laissons les bas-ventres faire de même. Partons loin, très loin, du spectacle navrant de la vie politique et du boys club au sommet de l’Etat à l’origine de cette débâcle, pour suivre deux femmes qui nous entraînent vers des contrées autrement plus jouissives. Dans « Les Aventures de la foufoune » (Seuil), Léonora Miano imagine que le sexe féminin est à l’origine du monde et en est demeuré le centre. Son personnage principal, la foufoune (peut-être pas le mot qu’on aurait choisi), dit sa passion pour le corps des hommes, fait l’amouravec un inconnu sur les rives de la mer Jaune ou avec un « artiste intello politisé », subit un rapport raté où elle se contente de faire « l’étoile marine » tout en songeant « cet homme avait déjà violé, c’était une certitude ». Dans ce « Monologues du vagin » fougueux, marrant et un peu solennel, l’écrivaine franco-camerounaise revendique le droit des femmes plus âgées à s’ébattre avec de jeunes hommes, s’interroge sur ce que perd une femme dans le couple hétérosexuel et évoque l’intersectionnalité (« Pour l’heure, l’égalité n’existe ni entre hommes ni entre femmes. Comment pourrait-elle être entre femmes et hommes »). Surtout, elle appelle à renverser le regard. Quid d’un monde où le sexe dit faibleprendrait les rênes ? « Quand leur jouissance à elles sera devenue systémique, c’est-à-dire quand ce qui procure du plaisir aux femmes façonnera les imaginaires pendant des millénaires, quand ce qui réjouit les femmes définira le beau et le bon, […] quand le féminin aura forgé l’ordre des choses depuis si longtemps que toute autre possibilité semblera révolutionnaire, transgressive, sacrilège, alors l’humanité commencera à s’éloigner de la barbarie », écrit-elle. Dans « Nos désirs » (Denoël), Gillian Anderson, la Scully de « X-Files » et la Docteure Jean Milburn de « Sex Education », a compilé 174 fantasmes soufflés par des femmes du monde entier. Epais recueil rose tendre où l’on croise une dame qui imagine renouer, après la mort de son mari, une ancienne collègue, une autre qui rêve toutes les nuits de l’acteur Pedro Pascal ou celle qui se languit d’être « vénérée ». Une Canadienne rêve « que [son] mari [lui] dise qu’il a engagé une femme de ménage […] Qu’il m’annonce avoir changé les draps, fait les machines et plié le linge » et une Roumaine se note de trouver « avant [sa] mort, une église vide » pour faire retentir ses « gémissements de plaisir » dans la nef. La comédienne, manifestement ravie de ce projet collaboratif, commente : « La libération sexuelle doit rimer avec la liberté de profiter du sexe comme nous l’entendons, d’affirmer ce que nous voulons vraiment, et non ce qu’on attend de nous ou ce que nous pensons qu’on attend de nous. Une chose est sûre : le fantasme continue à jouer un rôle aussi sain que vital dans nos vies de femmes. Et nous avons toutes le pouvoir de dire - et d’obtenir - exactement ce que nous VOULONS. » De beaux programmes, non ? Si on nous en donnait l’opportunité, pourquoi ne pas voter pour ces Sans-culottes ? Zut, on avait dit qu’on ne parlait pas politique. Mais il paraît que l’intime est politique. Amandine Schmitt |