La colère des publishers contre Google Le torchon brûle entre Google, les médias, les annonceurs et leurs représentants. La veille de la mise en place du
Règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai,
Google a renforcé sa politique générale de protection des données : décision qui a provoqué des ravages sur le marché publicitaire européen.
« Google, comme l'ensemble des acteurs, s'est engagé dans la mise en conformité au nouveau règlement. Pour autant, votre mise en œuvre de ce Règlement a été subite et peu concertée et a eu un impact majeur sur les revenus et les coûts d'une grande partie des acteurs, à tous les niveaux de la chaîne de valeur publicitaire. », ont déclaré communément l'UDA (Union des annonceurs), l'Udecam (Union des entreprises de conseil et achat médias), le SRI (Syndicat des régies Internet), le Geste (Groupement des éditeurs en ligne) et l'IAB France (Internet advertising bureau), dans une lettre adressée au géant de la Silicon Valley, le 8 juin 2018.
Une mise en place vécue comme un véritable coup de massue, car sans appels et concertations préalables, par les annonceurs qui
ne pouvaient plus acheter d'espace sur les sites de certains médias jugés non-conformes avec le RGPD, comme lefigaro.fr notamment : des sites qui pendant ce laps de temps n'ont plus perçu de revenus publicitaires via l'achat automatisé de publicité en ligne. A contrario, les médias dont la régie publicitaire utilisent exclusivement les outils de Google, n'ont, eux, subi aucune coupure.
Luc Vignon, DGA de Régie 366, a
déclaré au Wall Street Journal que même s'il était tôt pour tirer des conclusions, ses équipes témoignent
« d'une augmentation des ventes sur la plateforme de Google en parallèle d'un déclin généralisé ».
« Les décisions de votre entreprise ont des conséquences significatives du point de vue économique et stratégique pour l'ensemble du secteur : annonceurs, agences, régies, médias et acteurs technologiques. (...) Ce qui est en jeu ici, c'est l'économie des médias, déjà soumise à une transition numérique difficile et donc la pluralité, la diversité et la richesse de l'offre de contenus en ligne. », souligne la lettre envoyée le 8 juin à Google.
« L'objet de la lettre, c'est de mieux préparer le futur, de mieux anticiper l'avenir, et surtout de rappeler qu'on ne peut pas être pieds et poings liés ou 'pris en otage' par un acteur, quel qu'il soit », explique Sylvia Tassan Toffola, présidente du syndicat des régies internet (SRI) et vice-présidente de TF1 Publicité.
Les cinq associations professionnelles ont rencontré des
représentants de Google à Paris le 12 juin pour échanger autour de cette lettre ouverte et des enjeux que son contenu soulève. Celles-ci souhaitent que Google établisse un processus de consultation permanent entre eux et ses propres représentants afin de partager les décisions futures concernant l'application du RGPD, afin de minimiser l'impact catastrophique sur les tiers en terme publicitaire. Ce à quoi Google a répondu :
«Nous avons mis tout en œuvre pour nous assurer que Google respecte ses obligations dans le cadre du RGPD, et pour aider nos partenaires dans leurs efforts de mise en conformité. En un an et dans près de 60 pays, nous avons collaboré avec plus de 10.000 éditeurs, annonceurs, agences et associations, (...) et nous nous engageons à poursuivre cette discussion »
, a répondu un porte-parole de Google.
Des propos rassurants qui n'ont pas suffi à rassurer les acteurs français et particulièrement ceux qui ont recours à la publicité programmatique, car, dans ce cadre de figure, faire valoir le RGPD, soit obtenir le consentement de chaque utilisateur pour utiliser ses données personnelles et cibler les publicités
s'apparente au parcours du combattant. Preuve de leur bonne foi quant au fait d'appliquer le règlement, les acteurs de la publicité en ligne ont adhéré, au
transparency & consent framework, créé par l'IAB Tech Lab : un système qui permet aux éditeurs de sites web de transmettre à leurs partenaires (SSP, DSP, DMP, outils d'adverification...) le consentement utilisateur au traitement des données personnelles, via une Consent Management Platform (CMP).
Dans ce contexte pour le moins incertain, l'UDA, l'UDECAM, le SRI, le GESTE et l'IAB France ont demandé à rencontrer Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat français au numérique le 15 juin dernier. L'objectif affiché : lui faire part de leurs inquiétudes quant à la mise en place du RGPD par Google, et l'alerter des conséquences désastreuses sur l'écosystème publicitaire en ligne et la position dominante de la firme sur le marché.