Quand les médias réduisent la pub pour mieux la valoriserIl faut repenser la façon dont la publicité est distribuée, les éditeurs en ont pris conscience. Les raisons sont parfaitement identifiées : la posture
« écrasante » de Google et Facebook sur le secteur de la pub en ligne (
selon les mots de l'Autorité de la concurrence), qui rend difficile la captation de recettes supplémentaires, ainsi que l'adoption endémique des adblocks —
36% des Français en ont adopté un, 70% sur mobile, selon la dernière étude de l'Interactive bureau of advertising (IAB). Désormais intégrés aux seins des navigateurs web (Safari d'Apple et
Chrome de Google depuis peu), ils impactent les campagnes en cours.
Un rapport sur le futur de la publicité et de l'édition, publié début mars à l'issue d'une table ronde organisée par plusieurs associations et écoles américaines de journalisme, résume la situation pour une presse en quête de fonds :
« Produire du contenu gratuit et de haute qualité dans un environnement numérique est un défi significatif, et les modèles de publicité actuellement en place ne récompensent pas cela de façon adéquate. »Pour assainir leurs recettes publicitaires,
Le Monde et
Le Figaro ont, en septembre, supprimé de leurs sites internet 40% des espaces publicitaires
qu'ils commercialisent ensemble au sein de l'alliance Skyline, lancée en juillet. Dans les quatre mois qui ont suivi cette purge, le chiffre d'affaires du
Monde a chuté de 800 000 euros. Les deux titres ont depuis compensé cette perte : le CPM (coût pour mille) de la publicité vidéo est désormais à 15 euros, contre 7 auparavant,
et les recettes de la vidéo en ligne ont augmenté de 50%, a expliqué à Digiday Laurence Bonicalzi Bridier, présidente de M Publicité, la régie publicitaire du
Monde.
Si peu de journaux en ligne ont pour l'heure pris une décision aussi radicale, les chaînes de télévision semblent suivre ce mouvement : elles ont pris conscience de l'urgence à trouver un nouveau modèle publicitaire, l'ancien étant lourdement remis en question par les plateformes de SVOD (Netflix, Prime d'Amazon). C'est notamment le cas de NBCUniversal :
le conglomérat a annoncé réduire de 20% le nombre de publicités qu'il diffuse sur ses chaînes à partir de cet automne. L'idée semble également inspirer ses concurrents de Fox Network qui souhaitent
limiter le temps de publicité à deux minutes par heure d'ici à 2020. Un défi de taille : les réseaux câblés diffusent en moyenne 16 minutes de publicité par heure, d'après l'institut Nielsen.
Côté annonceur, les entreprises ne sont pas en reste : en 2017, P&G, premier annonceur mondial, réduisait son budget publicitaire de 200 millions de dollars. Dans une citation rapportée par le
Wall Street Journal, Marc Pritchard, le directeur marketing de P&G,
met en avant le manque de transparence dans une industrie
« aveuglée par des objets brillants, submergée par le big data, et qui a cédé le pouvoir aux algorithmes ». Affaire à suivre...