Septembre 2018. Des "scientifiques kogis" et des "scientifiques modernes" étaient réunis dans la Drôme pour un diagnostic croisé d'un même territoire. Si Mama Shibulata et Arregoce, leader et traducteur, avaient déjà eu l'occasion de voyager, c'est la première fois que Saga Narcisa et Mama Bernardo quittaient leurs montagnes et leur "Ezuama" (lieu de transmission des connaissances). La question au cœur de ce dialogue était la suivante : savoir si les shamans Kogis étaient porteurs de connaissances objectives que nos sociétés modernes auraient perdues, ou qu'elles pourraient découvrir.Savoir si d'un dialogue respectueux pouvait surgir un nouveau regard, une nouvelle pensée, en lien avec le vivant, qui nous permette de mieux appréhender les grands enjeux de notre temps. Bien que le vocabulaire et les approches diffèrent, shamans et scientifiques sont rapidement tombés d'accord sur nombre d'éléments de diagnostic. Les dégâts du pin noir, arbres "égoïstes" "étrangers" au territoire qui appauvrissent les sols et ne permettent plus la régénération des arbres "natifs", l'importance des filons de grès, source d'information sur la formation du globe terrestre, l'impact des failles géologiques, particulièrement denses, dans cette zone où les plissements pyrénéens viennent percuter les plissements alpins. Au delà de ces regards croisés, le diagnostic partagé est sans appel. Il faut prendre soin de la nature, lui redonner de la place dans nos actes et nos esprits. « Comme dans la Sierra, ici aussi, la Nature dicte ses règles, mais vous ne les écoutez pas. Si on ne retrouve pas le chemin de ces règles ancestrales d'équilibre entre les humains et la nature, on va rentrer en compétition avec elle. Et qui va gagner, à votre avis ? ». Mama Bernardo Abeilles, astronomie, mémoire de l'eau, sciences de la terre, compréhension des "lois du vivant"... Pendant trois jours, les échanges ont fusé. Un dialogue créatif s'est mis en place, porteur de nouveaux possibles, d'une nouvelle compréhension de la nature. « Pour nous, dialoguer comme cela, entre scientifiques et avec la nature , c'est entrer en "Zigoneshi". Ou comment aider la nature, se mettre à son service, pour que, en retour, la nature nous aide et nous soigne. » Mama Shibulata Et Saga (Shaman) Narcisa de conclure avec force, la voix haute, presque fluette devant une soixantaine de personnes, dont de nombreux chefs d'entreprises: « Il ne faut pas maltraiter l'eau, ni les femmes. Maltraiter l'eau, c'est maltraiter les femmes. Maltraiter les femmes, c'est maltraiter l'eau. L'eau c'est la vie. L'eau, c'est comme une personne, c'est elle qui donne la vie ». « C'était bien de pouvoir échanger, de croiser nos connaissances", nous partageront nos étonnants voyageurs. quelques heures avant leur départ. -"Il faut continuer, c'est important, pour la vie et pour les générations qui viennent ». Entchivé (c'est juste). |