La rentrée est déjà bien consommée et pourtant plane encore son goût légèrement amer : rentrer de voyage, déposer ses valises, reprendre contact avec son chez soi et ses pénates. Dans ce nouveau numéro, QWERTZ vous propose de refaire le chemin inverse et de… pourquoi pas, déserter ?
Repartir en vadrouille, cette fois, sans valise ni sac à dos, un banjo sous le bras, avec une terrible envie de sortir du cadre. Un voyage qui n’est pas sans son lot de surprises, car on le sait, sur la route, rien ne se passe jamais comme prévu.
Première destination, la Nouvelle Orléans, là où le banjo lausannois de Michel Rod se pâme sous la voix sombre de Billie Holiday. Moi, Banjo si je vous disais ressuscite d’un coup d’un seul à la fois Louis Armstrong, Fats Waller, les bateaux du Mississippi, les bordels enfumés, et bien sûr, le jazz.
Plus loin, à contre-jour se dessine l’ombre de Gio, personnage inventé par Dimitri Rouchon-Borie. Il s’enfuit à notre approche, farouche. Ce n’est que dans sa caravane que l’on peut l’atteindre, et là dans le repli de son chez soi, il nous raconte son épopée gitane. Douloureuse, pavée de coups dont il est ressorti un peu mort mais presque vivant.
Toujours en mouvement, on peut être saisi de vertiges, car déserter est tout un art, qui s’apprivoise avec science. Avec le rythme des premiers pas, ce sont deux récits en un que nous offre Mathias Enard dans son Déserter. Un roman qui nous fait zigzaguer dans l’histoire géopolitique d’une Europe hantée par les guerres.
Bonnes écoutes et bonnes lectures !
FATIDIQUE
Guerres indignes
Mathias Enard, "Déserter", ed. Actes Sud
Hanté par la guerre et son éternel retour, le nouveau roman de Mathias Enard nous met en présence de deux récits alternés : l'errance d'un soldat fuyant les atrocités d'une guerre moderne, et l'évocation d'un colloque de mathématiques orchestré sur un bateau de croisière à Berlin, le 11 septembre 2001.
Dimitri Rouchon-Borie, "Le chien des étoiles", ed. Tripode
Dans une langue habitée, farouche et superbe, le deuxième roman de Dimitri Rouchon-Borie conte le destin de Gio. Un jeune gitan dont le crâne, fendu par un tournevis, lui fait voir ce que d’autres ne voient pas.
Michel Rod, “Moi, banjo si je vous disais”, ed. de l’Aire
Biologiste, musicien et grand amoureux du jazz, le Lausannois Michel Rod donne la parole à son instrument fétiche dans un petit récit savoureux qui retrace, à hauteur de banjo, l’histoire du swing originel.
Dana Grigorcea, "Ceux qui ne meurent jamais", ed. Les Argonautes
Dans son dernier roman Ceux qui ne meurent jamais, l'autrice zurichoise d'origine roumaine Dana Grigorcea dépeint les aventures d'une artiste de retour dans la petite ville de son enfance, dans la région des Carpates. La découverte d'un cadavre lié à Dracula la fera peu à peu basculer du côté obscur.
Propos recueillis par Anne Laure Gannac Adaptation web: Sarah Clément
Juliette Oury, Dès que sa bouche fut pleine, ed.Flammarion, 272 p.
Laetitia vit dans un monde où le sexe est totalement banalisé. Elle baise le matin au réveil, avec ses collègues de travail la journée et chez ses ami·es le soir. A l’inverse, la nourriture est devenue complètement taboue, seules les barres protéinées sans goût sont autorisées. Dans ce monde privé de saveurs culinaires, Laetitia est pourtant prise d’un désir qui grandit au fur et à mesure des jours, celui de manger de « vrais » aliments. Débute alors une quête initiatique et libératoire où la ratatouille devient orgasmique. SC
roman
Adelheid Duvanel, La maison disparue, ed. Corti, 108 p.
Avec cette troisième parution en français, cette écrivaine bâloise disparue au fond d’un bois en 1996 trace plus profondément son labyrinthe. On se perd dans ce jardin à la fois délicieux et vénéneux, cherchant le fil mystérieux reliant ces histoires très brèves et la vie tourmentée de leur auteure. Entre conte, littérature brute, récits des marges (la folie, la drogue, la solitude) et manifeste d’une identité rétive à toute tentative de rationalité. Comme Adelheid Duvanel, ses personnages vivent parmi nous, mais ne sont pas de ce monde. TS
roman
Sarah Chiche, Les alchimies, ed. du Seuil, 240 p.
Vous pensiez Sarah Chiche abonnée aux autofictions lugubres ? Révisez votre jugement. Avec Les alchimies, la romancière française trousse une savoureuse fantaisie autour du peintre Francisco Goya et de l’énigme de sa tête disparue. Entre une satire du monde médical et l’exploration jouissive des gouffres de l’âme humaine, ce roman picaresque nous mène par le bout du nez, par la grâce d’une écriture remarquable. NJ
roman
Fabienne Alice, Le goût de l'automne, ed. Mercure de France, 128 p.
Après les voyages, la danse, la famille ou les contes, la saison romantique par excellence vient teinter de tons auburn la très jolie collection « Le goût de … » caractérisée par son format intime. George Sand, Eric Reinhardt, Henri David Thoreau, Marcel Proust ou Karen Blixen … à la façon des feuilles de différentes essences qui jonchent le sol, les extraits de romans, poèmes ou textes courts, rassemblés par Fabienne Alice, célèbrent tous la puissance de l’équinoxe d’automne, le déclin de l’été et l’entrée en douceur vers les tourments de l’hiver. Flamboyance et mélancolie garanties. EI
ARTISTIQUE
La Muette et ses nouvelles voix
L'écrivain C. F. Ramuz (1878-1947) a désormais son musée. Un espace a été créé dans sa maison La Muette à Pully (VD). Sur 100 m2 et deux étages, cette nouvelle institution présente l'homme, sa vie, l'écrivain, son univers et sa carrière littéraire. Il sera inauguré le 23 septembre dans le cadre de la Nuit des Musées de Lausanne et région.
Ne manquez pas Quartier Livre, ce dimanche à 16h sur RTS-La Première, consacré à La Muette.
Quitter son job dʹenseignante en primaire, pour embrasser une carrière dʹinfluenceuse littéraire sur TikTok. LʹYverdonnoise Mathilde Schaller lʹa fait, à 26 ans, et vient de créer sa propre entreprise, The Bookmates, qui propose des camps, rencontres et workshops pour les passionné·es de lecture. Partager sa passion du livre, cʹest aussi possible désormais à la Bibliothèque Municipale de la Sallaz, à Lausanne, qui vient de créer son club de lecture sur lʹinitiative dʹAlexandre Berto. Entre nouveaux dispositifs et rencontres toutes simples, Quartier Livre explore, grâce à ces deux invité·es, les chemins que prend le livre pour trouver son public. Animation : Ellen Ichters / Chronique : Daniel Vuataz
Marcia Burnier est une autrice franco-suisse, née en 1987 à Genève. Elle a grandi dans les montagnes de Haute-Savoie. Son deuxième roman, Hors d'atteinte (ed. Cambourakis), conte la lente reconstruction d'Erin, jeune femme victime de l'emprise de son compagnon. Marcia Burnier est lʹinvitée dʹAnne Laure Gannac.
BDFIL : Do you have a minute to talk about sciences? Présentée pour la première fois pendant le festival, cette exposition invite 25 artistes de bande dessinée, de tout poil et de toutes plumes, à répondre à l’épineuse question : « Que feraient les animaux s’ils obtenaient soudainement la maîtrise des matériaux de construction utilisés par l’être humain ? » En partenariat avec Caran d’Ache, qui les accueille dans ses arcades de PLATEFORME 10, BDFIL vous propose de venir rencontrer ces 25 planches inédites, farfelues et très sérieuses en même temps.
Rencontre avec Michel Pastoureau Historien médiéviste et directeur d’études à l’École pratique des hautes études où il dirige depuis 1983 la chaire d’histoire de la symbolique occidentale, Michel Pastoureau a publié au Seuil l’histoire des couleurs, qui l’a rendu célèbre dans le monde entier. Elle s’achève avec Blanc (2022) qui, contrairement à une idée reçue, est une couleur à part entière. Michel Pastoureau retrace sa longue histoire en Europe, de l’Antiquité la plus reculée jusqu’aux sociétés contemporaines. Inscriptions par mail obligatoires
Ont collaboré à ce numéro Francesco Biamonte, Sarah Clément, Ellen Ichters, Nicolas Julliard, Ivor Malherbe, Garance Parvis, Thierry Sartoretti, Layla Shlonsky.