Auguste C’est ma parabole de la mayonnaise. Antoine Tu la fais comment ? Ça m’interpelle. Auguste Je prends trois ingrédients qu’on n’aime pas en général. Le premier, c’est la concurrence. Antoine Je t’arrête, tu ne vas pas faire reposer une société sur un concept où le plus fort écrase le plus faible. Pour la majorité des gens, la concurrence, c’est la loi du plus fort. Auguste Tu ne vas pas aimer non plus le deuxième ingrédient : l’intérêt particulier. Antoine Ton cas s’aggrave. L’intérêt particulier, c’est l’égoïsme. On ne peut pas faire reposer une société sur l’égoïsme. Auguste Le troisième, c’est la fidélité. Je ne sais pas ce que tu vas me dire. Antoine La fidélité sonne mieux, mais on va te dire que c’est ringard et que ça évoque les chaînes. Mais je passe. Auguste Antoine, écoute-moi bien. Si tu mets les trois ensembles et si tu les touilles, tu vas réussir une magnifique mayonnaise. En effet, à partir du moment où les clients et les fournisseurs restent ensemble... Antoine Explique. Auguste Les entreprises qui se développent ne peuvent le faire que si elles ont des clients fidèles. Sinon, les équipes de vente passent leur temps à récupérer les clients perdus et n’ont pas de temps à passer sur la croissance. Les grandes sociétés sont caractérisées par une base solide de clientèle, c’est-à-dire de gens fidèles. Antoine Tu es en train de m’expliquer que les bonnes entreprises gardent leurs clients. Auguste Absolument, alors même qu’il y a beaucoup de concurrence, une concurrence qui permet de changer si on n’est pas content. Antoine Si le client est fidèle, c’est qu’il est content. Auguste Si l’entreprise garde son fournisseur, c’est qu’elle aussi est satisfaite. Réfléchis deux secondes : on a donc atteint une situation où le client et son fournisseur, qui sont des gens intelligents et conscients de leur intérêt, sont satisfaits. Antoine On atteint l’intérêt général. Auguste Je pousse un peu, c’est pour moi le bien commun. Antoine J’ai l’esprit d’escalier. Tu penses quoi des idées de mission qui fleurissent en ce moment ? Auguste Pourquoi pas ? C’est très bien, mais j’aime les choses simples. Quand les entreprises font bien leur travail et que les clients sont fidèles donc satisfaits, que chercher de plus ? Rendre ces clients heureux, c’est la mission de l’entreprise. Ce qui est très fort, c’est que c’est valable pour tout le monde : le restaurateur, le plombier comme la très grande entreprise. Atteindre le bien commun concerne tout le monde dans son travail de tous les jours. Antoine Pour toi, aller chercher des trucs compliqués comme les missions, ce n’est pas absolument nécessaire. Auguste Il faut que les gens comprennent que l’économie de marché, après tout, ce n’est pas si mal. Entre nous, c’est pour cela que ça fait 5 000 ans qu’elle dure. Antoine Elle a fait depuis 50 ans sortir beaucoup de monde de l’extrême pauvreté. Auguste Ce qui est certain, c’est que quand on a voulu en sortir, je parle des expériences communistes, ça s’est vite cassé la figure et ça a causé des drames. Elle n’est pas parfaite, nous ne le sommes pas, mais on n’a jusqu’ici pas trouvé mieux. Antoine Merci, je dois y aller. Très puissant ton histoire de mayonnaise, j’ai compris. Je te rappelle. |