Le temps jamais ne suspend son vol. Les victimes innocentes à Gaza se dénombrent à ce jour par dizaines de milliers, en majorité des enfants, filles et garçons, dans la violence calculée et voulue par des personnes dont on connaît souvent le nom : Sinouar, Smotrich, Ben-Gvir, pour n’en citer que trois. La rapporteuse spéciale de l’ONU n’hésite pas à parler de « génocide ». Les polémiques sur les mots noient l’horreur. Chacune et chacun le sait. Dans le même temps, les toutes dernières survivantes des camps nazis s’en vont. Témoins de l’entreprise génocidaire du IIIe Reich, tragédie fondatrice de notre époque. Ainsi, Mounette, de son vrai nom Simone Gournay : feu la présidente de l’Association des déportées de Ravensbrück, elle y fut une détenue politique. C’est elle qui a demandé à Ivan Gros de faire quelque chose pour que leur mémoire continue à pulser. Pour que cette mémoire ne devienne pas une machine raidie, ni statue ni musée, mais qu'elle vive, prenne de nouvelles formes. Mounette ne verra jamais ce qu’Ivan Gros a fait. Mais nous, nous pouvons découvrir ce roman graphique. Il a mis dix années à le concevoir, à la recherche du ton juste. A la recherche d’une éthique pour représenter l’inconcevable. Entrant jusque dans la « Kinderzimmer », la chambre des enfants : des nourrissons, filles, garçons, nés dans le camp. Il y a incorporé plus de deux-cents dessins réalisés par les déportées dans le camp. Le résultat est une œuvre profonde, compassionnelle, réfléchie. Une lueur d’espoir y survit. Une œuvre peut-elle rendre l’humanité plus humaine ? Peut-elle faire de ses lecteurs de meilleurs humains ? La réponse appartient à chacune, à chacun. Bonnes lectures et bonnes écoutes!
puissant
La chambre des enfants perdus
Ivan Gros, Kinderzimmer, ed. Actes Sud Dans le camp de concentration de Ravensbrück, la « Kinderzimmer » représentait une anomalie troublante, à la fois innommable et porteuse d’espoir: une pièce dévolue aux nourrissons, dont quelques-uns ont survécu. Adaptation du roman de Valentine Goby, ce roman graphique hors norme intègre dans sa matière visuelle des dessins originaux de déportées, produisant une réflexion profonde sur l’archive, la mémoire et la fiction. Par Francesco Biamonte
Nicolas Feuz, Les Extradées, ed. Rosie & Wolfe Une adolescente victime de harcèlement sur les réseaux sociaux se suicide. Le même jour, sa seule amie disparaît. Héros récurrent des romans noirs de Nicolas Feuz, le procureur Norbert Jemsen mène l’enquête à Lonay, dans une prison pour femmes aux méthodes peu orthodoxes. Par Philippe Congiusti
Perrine Tripier, Conque, ed. Gallimard Le deuxième roman de Perrine Tripier nous convie dans un empire imaginaire, sur les traces d’une historienne appelée à documenter l’exhumation d’une civilisation mythique, celle des Morgondes. Un conte splendide et terrifiant sur le pouvoir et ses petits arrangements avec l’Histoire. par Nicolas Julliard
MarieMo, Pied à terre - une expédition à bord de l’Ocean Viking, éditions Antipodes Après Les mains glacées, qui abordait le réchauffement climatique, MarieMo reprend la mer aux côtés de l'association SOS Méditerranée. Une bande dessinée informative, esthétique et touchante dans laquelle l'artiste neuchâteloise raconte vingt-cinq jours passés à bord du navire humanitaire Ocean Viking. Par Sarah Clément
Le 6 août 2009, dans la Sarthe, un père et une mère battent à mort leur fille de 8 ans. L’affaire, que Frédéric Boyer, alors en plein divorce, découvre dans les journaux, le hante durablement. Dans un dialogue philosophique avec lui-même, l’auteur et éditeur s’interroge sur la manière dont ce fait divers sordide l’appelle, l’enjoint d’écrire la vie sacrifiée de cette enfant non désirée. En découle une exploration bouleversante du mal ordinaire, présent en chacun·e de nous, et de la compassion, seule à même de le tenir à distance respectable. NJ
beaux-arts
Maéva Besse & Isaline Pfefferlé, L’École de Savièse, autrement. Trajectoires croisées de 26 artistes en Valais, ed. Art&Fiction, 280 p.
Entre 1880 et 1930, une vingtaine d’artistes quittent leur atelier pour peindre en plein air un monde rural qui semble disparaître, grignoté irrémédiablement par la modernité. L’école de Savièse naît ainsi, dans les sillons du pionnier Ernest Biéler, et sans que jamais n’existe – a-t-on souvent dit - d’autre point commun entre les artistes que l’urgence de saisir ce milieu en voie d’extinction. Dans ce magnifique ouvrage, assemblage d’analyses iconographiques et de reproductions d’une qualité remarquable, les deux autrices s’appuient sur de nouvelles sources et offrent un regard neuf et plus complet sur les relations de 26 artistes aux trajectoires parfois méconnues. EI
roman
Martino Gozzi, Le chant de la pluie, trad. par Vincent Raynaud. ed. La Table Ronde coll. Quai Voltaire, 224 p.
Simone et Martino étaient amis depuis l’adolescence, à la fin des années 90. Quand Simone meurt d’un cancer, Martino remet toute sa vie en question et divorce. Dans ce beau texte introspectif, Martino Gozzi réfléchit aux différents choix qui peuvent déterminer une existence, explore les notions d’amitié, d’amour, de couple. Il revisite aussi les vingt dernières années en Italie, et parce que Simone, son mentor, était musicien dans un groupe, son ode à l’ami disparu fait ressurgir, avec une douce mélancolie, toute la bande-son d’une époque. ST
bande dessinée
Wilfrid Lupano et Paul Cauuet, Les Vieux Fourneaux, tome 8 : Graines de voyous, ed. Dargaud, 56 p.
Quel plaisir de retrouver Antoine, Pierrot et Mimile dans la jolie bourgade de Montcoeur ! Les trois compères se retrouvent autour des soixante ans du Loup en slip, le théâtre de marionnettes itinérant crée par Lucette et désormais géré par sa petite fille Sophie. Comme dans toute bonne histoire, l’anniversaire va prendre une drôle de tournure avec une invitée surprise et des rancœurs oubliées. La force des Vieux Fourneaux c’est de nous faire rire sur les aberrations de notre monde, notamment quand il faut scanner un QR code pour commander un café. Le duo Lupano/Cauuet dépeint aussi une vieillesse impertinente, engagée et libre de tout carcan, et ça fait du bien. SC
primée
Un roman sur orbite
Le Booker Prize, prestigieux prix littéraire qui récompense des œuvres de fiction en anglais, a été attribué mardi à la Britannique Samantha Harvey pour son cinquième roman Orbital, au terme d'une compétition majoritairement féminine. Empreint de lyrisme, il raconte une journée dans la vie de six astronautes, deux hommes et quatre femmes, à bord d'une station spatiale. Construit en fragments presque méditatifs, ce livre offre une réflexion sur le deuil, le désir et la crise climatique. Adaptation Web: AFP/sf
A l’approche de la saison « morte », quoi de mieux que de jeter son dévolu sur le roman noir ? Deux polars sont au menu de Quartier Livre cette semaine : Fatal abîme (ed. Istya & cie) de Marc Voltenauer, où l’on retrouve la cosmogonie du roi du polar. Le cadavre d’un violeur présumé a été retrouvé dans un ancien sanatorium. Les victimes auraient-elles décidé de son sort, douze ans après les faits ? Puis L’allumette de Pandore d’Elodie Glerum, premier roman de la collection Nuit Noire des éditions La Veilleuse. L’histoire de la quête, plus que de l’enquête de Charlotte, pour comprendre la disparition de sa mère en 1977, aux Pays-Bas. Une plongée dans l’Europe tourmentée post-mai 68 et dans les zones grises des rapports humains. Invité.es : Elodie Glerum & Marc Voltenauer Animation: Ellen Ichters / Carte blanche: Salomé Kiner Quartier Livre, RTS La Première, di 17 novembre à 16h
Madame Bœuf forme avec son mari un couple de retraités qui regroupe, au premier abord, tous les stéréotypes : amour des petits plats mijotés, appartement vieillot avec vue sur parking, articulations éprouvées par le surpoids et la sédentarité. Outre les parties de jass avec les Lädermann et les visites rituelles sur la tombe de « tonton Georges », rien ne semble secouer la vie de ce duo engourdi. Mais la providence va s’inviter dans la vie de Sylviane Bœuf, lorsque le jeune Francis, par un amusant jeu de hasard, se substitue à son mari. Le dernier roman de Guy Chevalley , frais et à l’humour caustique, donne un soufflet bien mérité au jeunisme en plus d’offrir à la littérature (exit Madame Bovary) une héroïne plus qu’attachante. Invité : Guy Chevalley Animation : Ellen Ichters / Carte blanche : Quentin Mouron Quartier Livre, RTS La Première, di 10 novembre
Prix du Public RTS 2024 Les quatre finalistes du Prix du Public RTS 2024 sont connu·es: Fanny Desarzens, Julien Sansonnens, Lorrain Voisard et Sonia Baechler ont eu les faveurs du jury. Retrouvez-les en direct et en public lors d'une émission spéciale de Quartier Livre au Nouveau Monde de Fribourg, en collaboration avec le festival Textures et avec la participation des comédien·nes Jacqueline Corpataux et Jean Godel, ainsi que de la pianiste Manon Mullener. L'entrée est libre sur inscription (lien ci-dessous). Prix du Public RTS, di 24 nov. à 16h sur RTS La Première et au Nouveau Monde à Fribourg.Myriam Wahli à Saint-Ursanne La librairie-café Le Vent se lève accueille Myriam Wahli pour une discussion autour de son dernier roman Comme de l’eau dans l’eau (ed. La Veilleuse). La Plaine, futur proche. Les étés grignotent le printemps et colonisent l’automne. L’électricité est rationnée, le carburant hors de prix. Pour subvenir aux besoins de la famille, Marcelle travaille au Flacon, une fabrique de parfums. Elle consacre la majeure partie de son temps libre à son frère neuroatypique et fugueur, obnubilé par le retour de leur mère. Entrée libre, au chapeau. Le vent se lève, rue du Quartier 10 à Saint-Ursanne, ve 22 nov. à 19h.