Le Conseil fédéral, la Banque nationale et la Finma veulent une place financière stable. Mais veulent-ils encore d’UBS? La question reste ouverte et la réponse apportée hier par Karin Keller-Sutter n’était qu’à moitié convaincante. La présidente de la Confédération, flanquée de ses homologues du gendarme de la finance et de l’institut d’émission, tirait «les leçons des difficultés de Credit Suisse» et proposait «des mesures pour renforcer la stabilité des banques». Reconnaissons que toutes les idées ne sont pas mauvaises. Rendre les banquiers davantage responsables de leurs actes, récupérer les bonus indus ou encore faciliter l’approvisionnement du système en liquidités vont dans le bon sens. Mais il y a aussi toutes les mesures concernant spécifiquement les fonds propres d’UBS dont la philosophie pose question. Ne croyez pas que le bond du cours de Bourse après l’annonce signifie que la banque aux trois clés s’en sorte bien. C’est plutôt la levée de l’incertitude qui l’explique. D’ailleurs, à la clôture du marché, le numéro un bancaire helvétique a fustigé une augmentation «extrême» des capitaux nécessaires, qui selon ses calculs devraient se monter à plus du double des montants articulés par le Conseil fédéral. La bataille des chiffres n’est pas finie. Le renforcement des exigences en capital ne sera de toute façon pas sans conséquence. Mon collègue Pascal Schmuck l’a très bien expliqué. L’octroi de crédit, en particulier aux entreprises, risque fort d’être contraint. La BNS pense que cela ne sera pas le cas, mais nous avons raconté qu’un certain «credit crunch» est déjà en cours. En outre, UBS sera désavantagée vis-à-vis de ses concurrentes européennes et américaines, car ses filiales à l’étranger seront soumises à des règles plus strictes. Cela signifie aussi que la marge de manœuvre de ses dirigeants pour participer à la consolidation en cours sur le marché bancaire est réduite. UBS pourrait même devenir une cible d’acquisition. C’est à se demander si cette éventualité (comme celle d’un déménagement à Londres ou ailleurs) n’arrangerait pas les autorités, soulagées de voir un autre pays assumer les risques ténébreux que pose un établissement systémique. Alors, Post UBS lux? pour paraphraser la devise du canton de Genève... Ce serait oublier tout ce que cette banque apporte à l’économie et à la Suisse. Le débat ne fait en réalité que commencer, rappelle notre correspondant à Berne Jonas Follonier. Car après la période de consultation et le rendu de la version finale des propositions du Conseil fédéral, ce sera au Parlement de se saisir du dossier. Y aurait-il un parallèle à faire entre UBS et l’armée? Entre une grande banque entravée et des divisions sans munition? Cette semaine, le Conseil national a approuvé le budget de la défense de 1,7 milliard de francs. Les militaires seront mieux dotés en équipements, notamment en chars Leopard. Cependant, les crédits supplémentaires prévus pour davantage d’obus ont été refusés. Cocace. Sans parler du fait que l’argent des contribuable paraît avant tout destiné à des armements du passé. La guerre technologique qui se déploie en Ukraine illustre à quel point les conflits ont changé de nature. Reste à voir si le Conseil des Etats, qui doit à son tour se prononcer, aura un avis différent. Et à propos d’argent public, je vous recommande la lecture de l’éditorial de Nathalie Praz. Elle y dénonce la comptabilité créative du Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv). Il y a une semaine, le gouvernement du plus grand canton romand annonçait fièrement un résultat net enfin positif après des années de pertes. Pas si vite, avertit ma collègue. Ce n’est hélas pas la première fois que l’établissement fait preuve d’une certaine opacité. Terminons par une belle histoire, celle de la famille Afflelou et de ses liens avec la Suisse. Ma collègue Sophie Marenne a eu la chance de rencontrer les trois fils du célèbre entrepreneur français qui a créé en 1972 la chaîne d’opticiens connue pour ses coups marketing (le slogan «Tchin, Tchin» a été développé à Genève). On y apprend aussi que la Suisse est le marché le plus rentable du groupe par ailleurs contrôlé à 71% par un fonds britannique. |