En 1983, j’étais la débile qui n’avait pas la télé. J’avais dû aller dormir chez la voisine pour voir la première diffusion du clip de Thriller dans Champs-Élysées. Ce soir-là, on était quatre sur le canapé, sous pulls synthétiques et cheveux électriques. Au moment de la révélation, on était en extase, crucifiés pour toujours sur le skaï. C’était moi la pauvre fille mal attifée qui lisait Les Trois mousquetaires et l’intégrale de la bibliothèque verte en marchant. Pour ma dose minimum de trash TV, il y avait ma grand-mère. On regardait Dallas ensemble et on trouvait que JR était vraiment trop méchant. Ça permettait de survivre dans la cour de récré. En 86, le miracle a eu lieu : à force de supplier, la télé est arrivée chez nous et mon père l’a vécu comme une défaite de la pensée. Il a donc été décidé que l’objet de perdition serait installé dans notre chambre à ma sœur et à moi. Au moins comme ça, lui ne la verrait pas. Ma sœur est tombée la première : K2000, Supercopter, Shérif, fais-moi peur, Tonnerre mécanique… Elle était “berlusconisée”. Ensuite, en 89 il s’est passé deux choses : la chute du mur et l’arrivée d’une télévision couleur dans notre foyer d’intellos de gauche. Pour désintoxiquer ma sœur, le poste a été installé dans la chambre parentale. Et là, c'est ma mère qui a dérapé. Elle restait assise au bord de son lit, hypnotisée par les Jeunes Docteurs ou La clinique de la forêt noire. Mon père, trahi et défait, a installé la télé dans le salon, mais avec un cadenas. Là, ça a été son tour, accro à Urgence, vingt ans de pure dépendance. Et puis un jour, ma sœur a mis la main sur la clef du cadenas et les tuyaux sont restés ouverts à jamais. La fiction est une drogue dure. Alors notre projet le voilà et je vous préviens, c’est moche : on va vous faire tomber dans la fiction. Bon, comme c’est de la radio, c'est moins grave, mais vous serez suspendus à vos cinq minutes quotidiennes. Vous attendrez chaque matin, dès 6h, la main tremblante pour cliquer sur la livraison du jour. Alors, nous ne ferons qu’une bouchée de vos oreilles et votre âme nous appartiendra pour toujours puisqu’on vous aura entraîné avec nous dans : La Chute de Lapinville. |
Vous serez accro à la gentillesse de Spiruline, addict au cynisme de Lapin, dépendant à la répartie de Chloé, prêt à tout pour un cookie de Christiane, possédé par la méchanceté de Georges, fasciné par le premier degré de Christian, envoûté par la voix de madame le Maire et sous l’influence des Chichouchas (spécialité lapinvilloise hypercalorique). Vous découvrirez la petite cité de caractère qu’est Lapinville, qui pourrait aussi être un village fleuri, à moins qu’elle ne revendique le label Voisins Vigilants. Il est également question de la destruction de la terre, mais ça merci on est déjà au courant. Les auteurs tiennent aussi absolument à ce qu’on dise que c’est une fresque épique, on ne sait toujours pas pourquoi. En attendant, c'est surtout drôle. Et il y a des rebondissements, promis. C’est évidemment du cousu main avec aux manettes des orfèvres de la fiction et de la radio : Benjamin Abitan, Wladimir Anselme et Laura Fredducci, une musique de dingue signée Samuel Hirsch, une réalisation aux petits oignons, une production en fer forgé et tout ça dans le studio le plus cool de Paris. Bref, c’est un travail d’équipe mené dans les larmes, l’amour et la joie qui a commencé il y a deux ans, autant vous dire que je suis arrivée au meilleur moment, il n’y avait plus qu’à appuyer sur play. Pour rencontrer ce petit monde pour de vrai, et voir de la radio sur scène avec des vrais comédiens et aussi pourquoi pas devenir citoyen d’honneur de Lapinville, rendez-vous le mardi 20 février à la Gaîté lyrique, à 19h. |