Le marché a toujours raison. Et le monde en tremble, car la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump est en train de tourner en crise financière. Tel est du moins le signal envoyé par les marchés financiers, c’est-à-dire par les investisseurs, et à travers eux les résidents de cette planète. Des investisseurs qui se détournent du dollar (au plus bas depuis trois ans contre l’euro, dix ans contre le franc), et qui vendent en masse les bons du Trésor américain, des actifs vus, il y a encore peu de temps, comme des valeurs-refuges absolues. En décidant délibérément de casser le système commercial international, Donald Trump prend le risque de briser également le système monétaire au centre duquel se trouve pourtant le dollar. Mon collègue Christian Affolter évoque le besoin d’une nouvelle monnaie de réserve internationale, susceptible de succéder au billet vert. Il analyse aussi la pression chinoise qui s’exerce (probablement) en représailles contre les droits de douane grotesques décidés par Washington (et auxquels Pékin a répondu sur un mode, «œil pour œil, dent pour dent». Pris à son propre jeu, le locataire de la Maison-Blanche a dû faire marche arrière. Mais pour combien de temps? L’auteur de «The Art of the Deal» vise certainement des objectifs légitimes et nécessaires. Le déficit budgétaire américain mérite d’être corrigé, et celui de la balance commerciale est également problématique. Cependant, la méthode de Donald Trump crée – pour le moment – beaucoup plus de mal que de bien. Ses décisions impulsives et brutales annoncées en quelques caractères sur son réseau Truth Social se retournent contre leur auteur, que l’on peut désormais aussi soupçonner de délit d’initié. Pour paraphraser l’essayiste Giuliano da Empoli, un seul ingénieur du chaos a donc suffi à déstabiliser la planète entière. Heureusement, la vive réaction des opérateurs financiers a visiblement tempéré les ardeurs protectionnistes de Donald Trump. Cependant, la suspension de la partie la plus grande des droits de douane annoncés lors du tristement fameux «jour de la libération» n’a pas encore rassuré grand-monde. Pour la Suisse, cette volte-face est une très bonne nouvelle. Même si un droit de douane de 10% reste en vigueur, celui dit «réciproque» de 21% supplémentaires qui pénalisait les entreprises helvétiques face à leurs concurrentes européennes (taxées moitié moins) est suspendu pour 90 jours. Au Conseil fédéral d’en profiter, afin d’éviter qu’ils ne reviennent. Notre correspondant à Berne Jonas Follonier a recensé huit arguments qui pourraient lui servir dans ce contexte. En attendant, il convient de se rassurer un peu. Il existe une série de moyens d’amortir le choc tarifaire, comme l’a montré Laure Wagner en prenant l’exemple de l’horlogerie. Cependant, l’effet positif de cette «réduction de peine», comme l’a appelée Guy Parmelin, pourrait vite être effacée pour les entreprises exportatrices par la dépréciation du dollar, qui a perdu 8% face au franc depuis le 2 avril. Espérons en tout cas que le dialogue pourra être renoué entre Washington et Pékin. Comme cela a déjà été répété maintes fois, la confrontation actuelle ne fera que des perdants. Rappelons qu’à elles seules, les deux premières économies comptent pour près de la moitié du PIB mondial. Et si la Suisse reprenait son rôle traditionnel de médiateur et proposait ses bons offices aux deux capitales? Enfin, pour vous changer les idées, ma collègue Sophie Marenne vous propose de découvrir Lugano sous un nouvel angle, celui des cryptomonnaies. Découvrez comment la capitale économique du Tessin s’est fait un nom sur la scène de la blockchain, potentiellement grâce au «globalisti», formule locale qui qualifie les bénéficiaires de la taxation au forfait. Excellent week-end à toutes et à tous, «En toute liberté» reviendra le 26 avril. |