Twitter : vers un exode des journalistes ? | | « Se lancer dans des querelles mesquines sur des questions ésotériques, faire face à des attaques sectaires et de mauvaise foi de la part d'utilisateurs anonymes et de robots, supporter une stimulation cérébrale incessante qui peut déformer la perception » : face aux travers de Twitter, un nombre croissant de journalistes lèvent le pied sur le réseau social à l'oiseau bleu, voire gazouillent vers d'autres horizons, rapporte la revue Poynter. Si on ne peut toutefois pas parler d'« exode massif », les usages se transforment – la plateforme deviendrait un outil de veille raisonné plutôt qu'un lieu de partage animé : suppression d'anciens tweets, désactivation temporaire du compte, mot de passe donné à des amis, sélection de comptes individuels pour suivre un sujet particulier, attention portée aux titres plutôt qu'aux personnes, redirection vers d'autres plateformes comme celle, open source, de Mastodon – « alternative plus conviviale », note le média. Les combines sont nombreuses pour calmer l'addiction, et soigner son rapport à l'information (et aux autres). On a tâté le pouls Twitter de (quelques) journalistes français. Revue des témoignages. Prendre ses distances ou couper les ponts Depuis quelques mois, Élise Racque, journaliste radio à Télérama, a pris ses distances avec la plateforme. Elle a supprimé les notifications de son smartphone, tweete beaucoup moins, s'oblige pendant les vacances à ne rien twitter ou retwitter. « J'indique publiquement que je suis en pause pour ne pas culpabiliser de ne pas être présente sur les sujets que je couvre », confie-t-elle à Story Jungle. Plusieurs raisons motivent son choix : l'angoisse très présente du harcèlement en ligne, mais aussi une vision déformée de la réalité. « Twitter est un réseau de journalistes. Cela nous maintient entre nous et biaise notre regard sur le monde. C'est un réseau élitiste », rapporte-t-elle. Pour rappel, la plateforme compte 326 millions d'utilisateurs actifs mensuels. Un nain comparé à Facebook et ses 2,91 milliards d'utilisateurs ! Le fond des WC Pour d'autres, Twitter a perdu son aura d'antan. Rémi, ancien journaliste tout juste passé dans la communication, porte un regard critique sur la plateforme : « J'ai désinstallé l'appli il y a un an. Le point de bascule, c'est quand j'ai réalisé que j'y allais régulièrement et n'y trouvais jamais rien d'intéressant à part des trucs débiles que je forwardais. Les concours du tweet le plus subtil, drôle, féroce, c'est lassant à la fin. C'est devenu le fond des WC [*nous avons pudiquement remplacé le mot prononcé, ndlr]», déplore-t-il. Pour Rodrigue Arnaud Tagnan, journaliste free-lance et chargé de l'information et de la communication au réseau de lutte anti-corruption ren-lac, « l'effet Twitter s'est estompé » : « Le flux est hyper massif. La plateforme n'a plus forcément le monopole de la primeur de l'info. Avant, c'était à la mode et la chasse aux followers, un phénomène désormais en recul. Autre point. Je suis maintenant au Burkina Faso. Twitter est loin d'être le premier réseau d'info ici. WhatsApp et Telegram sont bien loin devant. Ne parlons pas de Facebook - le média social par excellence », explique-t-il. Par ailleurs, si Twitter participe à la construction de l'image de marque pour le journaliste en quête de notoriété, l'usage actif de la plateforme peut rapidement faire tomber « dans la course au scoop, et pousse à tweeter à tort et à travers en oubliant la déontologie du métier », regrette Élise Racque. Même si elle reconnaît que le nombre d'abonnés et l'image de marque sont un enjeu important pour les journalistes précaires. « Twitter, un outil de travail plus qu'un lieu de partage » Pour Damien, salarié d'une agence de presse, Twitter est devenu « un outil de travail plus qu'un lieu de partage ». Après avoir relayé des articles « qui lui semblaient intéressants », et fait de l'autopromotion de ses dépêches pendant un temps, le journaliste constate que cette activité ne lui apporte pas grand-chose : « Soit ça tombe dans l'oubli parce que les sujets ne sont pas polémiques et que mon compte n'est pas très suivi, soit je fais de la promotion pour mon employeur, au risque de passer du métier de journaliste à celui de community manager. » Aujourd'hui, Damien a changé son hygiène Twitter : il s'appuie sur le réseau principalement pour suivre des comptes, mais tweete beaucoup moins qu'avant. | | | JUNGLE STORIES | TechTrash : les recettes d'une newsletter qui cartonne Connaissez-vous Tech trash, la newsletter tech bête et méchante ? Avec son ton décapant, Tech Trash secoue son marché et la boîte mail de ses 40 000 abonnés. Rencontre avec ses fondateurs qui ont lancé cette année Climax, une seconde newsletter et Courriel, un studio dédié à ce format. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Il est compliqué d'établir un diagnostic précis sur l'état de l'économie des créateurs. Dernièrement, Axios titrait sur la faillite de ce système, 1 % des créateurs empochant la vaste majorité des revenus : « les nouvelles plateformes ont longtemps offert l'espoir de donner du pouvoir aux voix mineures, mais ce sont les créateurs les plus importants qui en tirent le plus de bénéfices », écrivait le média. Pourquoi c'est un pavé ? Pour Simon Owens, cette vision est fausse. Le journaliste tech préconise de nouvelles méthodes de calcul pour mesurer un taux de succès. Il propose la règle : « 100 pieces of content rule » : quel est le revenu moyen des podcasts qui ont produit au moins 100 épisodes ; quel est le revenu moyen des YouTubeurs qui ont publié au moins 100 vidéos ; le revenu moyen des auteurs de newsletters qui ont écrit au moins 100 contenus. « En utilisant cette méthode, vous éliminerez un grand nombre de créateurs qui n'étaient pas si dévoués que ça à leur métier. Je parie que vous obtiendrez un taux de réussite bien supérieur à 1 % », soutient-il. Voilà qui va plaire à plusieurs candidats à notre élection présidentielle : la valeur travail ! Simon Owens souligne un autre point important. Si le top 1 % des stars des médias sociaux touche le jackpot, il emploie aussi beaucoup de monde. « Dans un récent épisode de How I built this, les fondateurs de la chaîne YouTube Dude Perfect ont révélé qu'en plus des 5 personnes qui apparaissent devant la caméra, l'entreprise emploie 20 personnes qui travaillent en coulisses », explique-t-il. Selon les chiffres cités par le journaliste, il existe actuellement 22 000 chaînes YouTube, comptant au moins 1 million d'abonnés. « Si chacune de ces chaînes emploie en moyenne 5 personnes, cela représente 110 000 emplois. Cela fait beaucoup de créateurs qui vivent du top 1 % des comptes YouTube. » | UN FORMAT À LA LOUPE | | Depuis maintenant sept ans, Facebook (désormais Meta) développe un projet ambitieux au sein de sa division recherche Reality Labs Research : celui d'un gant pneumatique capable de reproduire les sensations telles que la saisie d'un objet ou le passage de la main sur une surface. L'entreprise présente ce nouvel outil comme l'avenir de l'interaction VR et AR. « De manière simplifiée, le prototype est un gant garni d'une quinzaine de coussinets en plastique striés et gonflables (...) Ces coussinets sont disposés de manière à s'adapter à la paume, au-dessus et au bout des doigts des personnes qui le portent », explique The Verge. Simple gadget ou prochaine porte d'entrée dans le metavers ? | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | En parlant de métavers, les Islandais ne manquent pas d'humour. La plateforme Inspired by Iceland a lancé une campagne amusante pour promouvoir leur patrimoine naturel. S'inspirant de la vidéo de Mark Zuckerberg présentant le métavers le 28 octobre dernier, un certain Zach Mossbergsson – « chief visionnary officer », clone du fondateur de Facebook – présente son « Icelandverse », au milieu d'un paysage magnifique bien réel : « De la réalité vraiment augmentée sans casques ridicules. C'est complètement immersif, avec de l'eau qui est mouillée. Vous pouvez observer de gros geysers à une distance de sécurité », énumère-t-il, avec des mimiques aussi naturelles que celles du fondateur de Facebook. La vidéo, postée le 11 novembre, a déjà récolté 1 million de vues sur YouTube. Beau joueur, Mark Zuckerberg a promis de faire un tour dans cet univers parallèle prochainement. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | « La racine du problème de l'argent est qu'il faut de la confiance. Il faut faire confiance aux banques, aux processus de paiement, aux banques centrales. Le bitcoin supprime cette obligation de confiance. » Dans une websérie animée fluide et passionnante – 6 épisodes de dix minutes – le réalisateur Rémi Forte raconte l'origine du bitcoin, monnaie électronique anonyme et autonome, sa philosophie, et tente de percer le mystère de son créateur – caché sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. On apprend que le bitcoin est le fruit d'une dizaine d'années de réflexion, d'acteurs passionnés, mais surtout qu'il provient d'un mouvement idéologique libertarien cypherpunk ! Dès 1993, les cypherpunks, un groupe d'activistes de la région de San Francisco, promouvaient un chiffrement fort. Leur crédo ? Un être humain ne peut réellement s'exprimer que s'il peut protéger son anonymat. Le Mystère Satoshi, aux origines du bitcoin, disponible sur arte.tv (avec en prime, la voix off de Thibault de Montalembert, alias Mathias Barneville dans Dix pour cent !). Un commentaire, négatif ou positif ? N'hésitez pas à nous envoyer un mail : alexandra.klinnik@storyjungle.io |
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