Samedi 22 février 2025

En toute liberté

Chaque samedi, l'actualité vue par le rédacteur en chef

Frédéric Lelièvre
CEO et rédacteur en chef de L’Agefi

Le chantage des syndicats

Les accords bilatéraux III ne sont pas exploités politiquement que par l’UDC

Une «première percée». Un «premier pas dans la bonne direction». Mercredi un vent d’optimisme soufflait sur les accords bilatéraux III alors que Guy Parmelin convoquait les médias pour leur annoncer que les partenaires sociaux avaient trouvé «une entente commune» autour de la protection salariale. Une entente qui doit aussi beaucoup au travail de l’habile cheffe du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), Helene Budliger Artieda

L’objet du litige? La protection des salariés suisses contre les travailleurs détachés, et en particulier la manière dont ces derniers voient leurs frais de voyage, d’hébergement et de repas remboursés lors de leur courte mission sur le sol helvétique. Rappelons que ces travailleurs ne représentent que 1% du volume total de travail en Suisse, selon les chiffres du Seco. Et que leur rémunération est encadrée par le principe «à travail égal, salaire égal au même endroit». 

Mais il est vrai que, dans la négociation avec l’Union européenne (UE), il a été convenu que les frais seraient calculés sur la base du pays d’origine, comme le pratique l’UE. D’où la crainte des syndicats de voir des hordes de travailleurs détachés venir voler les places de travail des Suisses en faisant de la sous-enchère salariale. Cette peur est exagérée: le différentiel du remboursement des frais ne peut à lui seul déclencher une telle invasion. Cependant, il offre aux syndicats une occasion d’obtenir certains avantages, sous peine de refuser les accords. Or chacun sait que si les organisations syndicales s’allient à l’UDC contre les bilatérales III, ces dernières risquent fort d’échouer devant le peuple. 

Ce chantage est de bonne guerre. En perte de vitesse, l’Union syndicale suisse (USS), de loin la plus grande faîtière, tente d’endiguer la perte de milliers de membres chaque année depuis une décennie. La tendance s’est juste stabilisée (+0,19%) en 2023. Les chiffres de l’an passé ne sont pas encore connus. Pour se relancer, l’USS suit une stratégie de communication extrêmement bruyante, notamment grâce à son président et porte-voix Pierre-Yves Maillard. Conscient que l’accès au marché européen est crucial pour une majorité des employeurs, le conseiller aux Etats vaudois tente d’obtenir, par exemple, la protection contre le licenciement de ses collègues représentants du personnel ou la force obligatoire des Conventions collectives de travail (CCT). Son approche ne vise hélas qu’à rigidifier le marché du travail suisse, dont la souplesse actuelle explique pourtant en bonne partie le faible taux de chômage. 

Malgré les annonces de cette semaine, le soutien des syndicats aux bilatérales reste loin d’être acquis. La victoire qu’ils sont en passe d’obtenir contre les travailleurs détachés ne suffira pas. Ils ont déjà fait savoir que l’accord sur l’électricité, qui vise à garantir la sécurité de l’approvisionnement en courant, ne leur convient pas. Nous aurons le temps d’en parler. La votation ne se tiendra pas avant 2027. 

  

Inutile d’attendre 2027 en revanche pour agir sur le marché des crédits bancaires. Je vous en avais parlé la semaine dernière, lorsque je m’étonnais que la Banque cantonale vaudoise (BCV) proteste à voix haute contre de nouvelles règles de liquidités édictées par la Banque nationale suisse (BNS). D’autres établissements cantonaux, comme celui du Valais, ont eux aussi dû s’adapter, ce qui n’est pas sans conséquence pour les entreprises. Mon collègue Pascal Schmuck documente ainsi le «credit crunch» en cours qui pénalise en particulier les sociétés de plus de 250 employés. L’argent manque pour financer leur activité en raison de ces nouvelles exigences, auxquelles s’ajoutent celles de Bâle III, et enfin (surtout?) l’incapacité des banques de combler le vide laissé par Credit Suisse puisque UBS ouvre bien moins grand le robinet du crédit que l’ancien établissement aux deux voiles. Dans un éditorial, j’en appelle aux autorités financières et politiques de reconnaître l’ampleur du problème et d’agir en conséquence

  

A propos de responsable politique, Delphine Bachmann a accordé un grand entretien à ma collègue Nathalie Praz. La conseillère d’Etat genevoise espère encore que SGS renonce à son projet de déménagement à Zoug. Le géant de la certification, présent dans la cité de Calvin depuis plus d’un siècle, pourrait formaliser sa décision dans quelques jours. Delphine Bachmann profite de l’occasion pour détailler comment elle compte mettre à jour la stratégie économique du canton, une stratégie vieille d’au moins dix années

Enfin, je vous invite à découvrir la dernière édition de notre magazine Agefi Finance, le premier réalisé par son nouveau rédacteur en chef, Olivier Wurlod. A la Une, Fabrizzio Quirighetti, photographié pour L’Agefi par Michel Juvet. Le chef des investissements du gérant genevois Decalia s’inquiète d’une possible remontée de l’inflation. Ce numéro devrait vous occuper jusqu’au 8 mars, date de retour de «En toute liberté». 

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Jeudi, nous nous pencherons au chevet de Kudelski. Depuis son désinvestissement de Skidata, le groupe technologique en difficulté mise tout sur la cybersécurité pour se relancer. En août dernier, le CEO André Kudelski jugeait «difficile d’estimer quand notre stratégie aboutira». Depuis, le cours de l’action a perdu quelque 10%, même s’il a amorcé un rebond ces dernières semaines. 

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