Je sais pas vous, mais quand je lis, j’entends ma voix qui dit le texte que je suis en train de lire. C’est rassurant, ça s’appelle le discours interne ou subvocalisation. Parfois, je dois lire plus vite que ma voix et elle s’en va. Tout devient images ou émotions, concepts, mais plus de son. En musique, on n'a pas le choix : le tempo que l’interprète choisit est le bon. Et en lecture ? J’aime avoir le temps d’entendre ma voix intérieure, parce que sa présence me garantit que toutes les saveurs et tous les sens du texte me seront accessibles. J’ai prêté ma voix à des personnages odieux ou merveilleux avec l’impression de les avoir mieux compris, parce que le son de ma voix avait su les faire présents. Puis vient la voix de l’auteur·e, comme dans les interviews de QWERTZ, qui nous apporte les raisons de son écriture. Avec sa voix à elle, à lui, j’entends dès lors pourquoi j’essayerai autant que possible de lire au bon tempo : l’écrit vient après l’oral, parce que nous avons appris à parler avant de lire. Mais je vous avoue que si aucun personnage n’est présent, ma voix s’absente. Ce qui n’arrivera pas avec ce qui suit dans QWERTZ. Bonnes écoutes et bonnes lectures!
INDOMPTABLE
Amour sur le Nil
Eric Chacour, “Ce que je sais de toi”, ed. Philippe Rey Remarquable et remarqué, présent sur les listes de plusieurs prix français, le premier roman du Québécois Eric Chacour dérouille les ressorts de la tragédie classique. En parcourant quarante ans d’histoire égyptienne, des années 1960 au début du millénaire, Ce que je sais de toi conte l’histoire d’une passion amoureuse entre deux hommes que tout oppose, et l’exil forcé qui en découle. Par Nicolas Julliard
Capucine Delattre, "Un monde plus sale que moi", Ed. La ville brûle Être une jeune femme de 17 ans en 2017, lorsqu’éclate l’affaire Weinstein. Penser que ça ne concerne que les « vieux ». Se rendre compte que l’âge n’y est pour rien, et que malgré le mouvement #MeToo, on reste toujours une proie. Elsa, la protagoniste du deuxième roman de l’autrice des Déviantes (2020), en fait l’expérience dans un récit au cynisme glaçant. Par Layla Shlonsky
Stéphane Paccaud, "Persecutores demonum", ed. PVH, An de grâce 1182. Sybille de Jérusalem, sœur du roi et future reine, s’alarme de nombreuses tentatives d'assassinat dirigées contre son époux, tandis que des disparitions émaillent la Terre sainte. Les rumeurs parlent du fait d’un démon à la signature de sang, mais Gillles de Brousse et son assistante Marjan, les "persecutores demonum" engagés par Sybille, ont d’autres pistes. Par Céline O'Clin
La nouvelle création radiophonique du Labo de RTS Espace 2 a tendu son micro à des lecteurs et des lectrices de tout âge pour qu'ils racontent leurs souvenirs liés à un album d'enfance très particulier : Sur l'île des Zertes de Claude Ponti. Sarah Clément
Rachel Corenblit, Comme une famille, ed. Nathan, 256 p.
Avec un humour grinçant, Rachel Corenblit raconte la saga des Diangello, une famille ordinaire plongée dans un monde ordinaire, le nôtre. En alternant les points de vue des ados de la famille, elle revisite de très belle manière les 50 dernières années. De Tchernobyl au Covid, de l’opération Tempête du Désert aux attentats du 11 septembre, de ceux du Bataclan au sacre de l’équipe de France de foot. A chaque fois, les Diangello traversent les événements majeurs qui ont dessiné notre histoire tout en écrivant la leur. Belle idée et belle plume au style enlevé malgré parfois un peu de remplissage. PC
roman
Louis-Daniel Godin, Le compte est bon, ed. La Peuplade, 272 p.
Dans ce premier roman d’inspiration autobiographique, le Québécois Louis-Daniel Godin tricote son récit une phrase à l’endroit, une phrase à l’envers, ruminant les petits événements de sa jeunesse à travers un parcours chiffré. Notes scolaires, argent de poche, adresses postales ou dates, toutes ces balises numérales jalonnent cette confession à la musicalité unique et entêtante, proche de l’oralité. Un style ludique pour un propos grave, détaillant avec la fausse naïveté de l’enfant la dureté d’une vie de misère. Magistral. NJ
BANDE DESSINéE
Rachel Deville, Le Grand Je, ed. Atrabile, 158 p.
Dans un monde où les êtres humains évoluent sans jambe, sans bras, sans tronc, ou sans tête, Gus a non seulement tous ses membres, mais est tricéphale. Difficile d’être toujours en accord pour ses trois têtes pensantes, d’autant plus que, dans l’une de celles-ci au moins, la révolution est en marche. Gus n’en peut plus de travailler à la chaîne et à un rythme soutenu dans la société qui l’emploie. Incité à changer de perspective par son psychanalyste, le héros de cette bande dessinée pour le moins hors du commun, va-t-il choisir une autre voie que celle de l’abrutissement par l’alcool ? Une plongée dans une étonnante proposition graphique qui fait réfléchir des pieds à la tête et peut, pourquoi pas, encourager une mise en mouvement de l’appareil humain et social. COC
roman
Dominique Barbéris, Une façon d'aimer, ed. Gallimard, 209 p.
Et si le silence était une façon d’aimer ? Tout porte à le croire quand on observe Madeleine, beauté discrète et élégante des années cinquante. Quittant sa Bretagne natale, la jeune femme suit son mari au Cameroun, où elle se retrouve plongée dans un monde dont elle ne maîtrise pas les codes, entre chaleur moite, intrigues d’expatriés et décolonisation en marche. C’est dans ce contexte violent et luxuriant qu’elle va faire la connaissance d’Yves Prigent, mi-administrateur, mi-aventurier. Un portrait tout en délicatesse, mais un peu frustrant, d’une femme amoureuse, qui reste impénétrable. SC
Cedric Humair, nouveau directeur de Delémont’BD, festival de bandes dessinées dont la 10e édition se tient du 14-16 juin 2024.
Cédric Humair, qu’est-ce qui vous a incité à postuler à la succession de Philippe Duvanel ? Le concept habituel d’un festival de bandes dessinées vise à la promotion du 9ème art par la dédicace. Avec de nombreuses performances dessinées, des rencontres et des expositions en plein-air et en vieille-ville durant tout l’été, Delémont’BD se démarque et amène une visibilité et une reconnaissance accrues du travail des autrices et des auteurs. Jurassien et passionné de bandes dessinées, je souhaite continuer à partager et promouvoir ce médium dans ma région de vie et de cœur. Vous avez co-fondé et présidé le festival Tramlabulle, à Tramelan. De quelle façon cette expérience pourrait-elle infléchir la ligne de Delémont’BD ? Depuis la première édition de Tramlabulle en 1997, le monde de la bande dessinée à passablement évolué et je m’en réjouis. Aujourd’hui, j’apprécie la fraîcheur portée par la nouvelle vague ainsi que la confirmation d’une création féminine de qualité. Je garde aussi une affection pour la bd de genre tel que le polar, l’aventure et l’Histoire en particulier. Je souhaite apporter une sensibilité jurassienne supplémentaire, avec une dose d’impertinence et un soupçon d’esprit frondeur. Vous entrez en fonction le 1er décembre. Cela vous laisse-t-il suffisamment de temps pour préparer l’édition 2024 du festival ? Ma prise de fonction officielle est annoncée au 1er décembre ce qui laisse peu de temps à la prise en main de Delémont’BD. Je remercie la Municipalité de Porrentruy qui accepte de me libérer à temps partiel dès le mois d'octobre, ce qui me permet d’organiser la 10ème édition qui se déroulera du 14 au 16 juin 2024 pour le festival et du 7 juin au 18 août 2024 pour les expositions. Je tiens à relever que je m’appuie sur un comité d’organisation rodé et motivé à mettre en place cette transition.
Propos recueillis par Nicolas Julliard
EN VIDéO
Etes-vous "Booké" ?
Le compte Instagram RTS Culture vous fait une nouvelle proposition. “Booké” vous invite à découvrir toutes les deux semaines les coups de cœur de lecteur·rices des quatre coins de la Suisse romande. Dans le premier épisode, Layla Shlonsky rencontre trois lectrices d'Yverdon-les-Bains.
A la suite d’un attentat perpétré contre l’un de ses romanciers pour avoir heurté des sensibilités, la maison d’édition Feel Good, choisit de tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise jamais. La protagoniste de Sensibilités (ed. Grasset), dernier roman de notre invitée Tania de Montaigne , est chargée de relire les livres, afin qu’ils ne blessent plus. La violence, elle, ne cesse pas pour autant. Une fable sur notre temps, publiée – le hasard faisant bien les choses – alors que grondent les polémiques à propos des « sensitivity readers ». Animation : Ellen Ichters / Carte blanche : Salomé Kiner Quartier Livre, RTS La Première, di 15 octobre
Cet automne, quatre jeunes auteurs québécois figurent sur les listes des prix littéraires français. Kevin Lambert, Eric Chacour, Louis-Daniel Godin et Emmanuelle Pierrot. Du jamais vu : que se passe-t-il dans la Belle Province, pour que ces plumes de talent volent au-dessus de lʹAtlantique et sʹen viennent chatouiller le bassin parisien ? Quartier Livre part à la découverte de cette scène littéraire en pleine ébullition. Animation : Nicolas Julliard / Chronique : Salomé Kiner Quartier Livre, RTS La Première, di 08 octobre
L'auteure genevoise d'origine coréenne Laure Mi Hyun Croset, nous invite au voyage et à la découverte de soi avec Made in Korea, son nouveau roman paru aux éditions BSN Press. Animation : Pierre-Philippe Cadert Vertigo, RTS La Première, ma 10 octobre
Rencontre avec Gaëlle Nohant Journaliste, Gaëlle Nohant a décidé de devenir romancière à l’âge de 8 ans et vit aujourd’hui de sa plume. Inspirée notamment par Dickens, elle construit ses romans à partir d’une base documentaire importante et défend l’idée d’une littérature à la fois exigeante et populaire. Elle a récemment reçu le Grand Prix RTL pour Lire pour Le bureau d’éclaircissement des destins (Grasset) dont le personnage principal, archiviste, mène trois enquêtes parallèles à partir d’objets retrouvés à la libération des camps de concentration. Entretien mené par Pascale Frey Société de lecture, Genève, je 19 octobre
Atelier : Comment passer du texte que l’on a composé à sa performance orale ? À l’inverse, comment écrire ce que l’on entend ? En compagnie de Vincent Barras, vous découvrirez les processus qui permettent de passer de la composition écrite à la performance orale, et réciproquement. À partir d’un texte que vous écrirez librement, vous testerez les transformations nécessaires pour que celui-ci trouve sa dimension orale et performative. Rythme, scansion, phrasé seront ici abordés. Cet atelier est ouvert à toute personne intéressée, professionnelle ou amatrice de théâtre, de performance, de littérature ou de poésie. MRL, Genève, sa 21 et di 22 octobre
Book dating frissons, rencontre entre lecteur·ices sur le thème de l'effroi En novembre, les bibliothèques de Carouge vous proposent de partager un moment d’échange autour du thème du frisson : roman noir, policier, de suspens, fantastique ou autre, venez discuter de ce livre ou de ce personnage qui vous a donné la chair de poule. Le principe du book dating : présentez le livre de votre choix en tête-à-tête à d’autres lecteur·ices venu·es proposer le leur. Événement gratuit, inscription obligatoire. Bibliothèque de Carouge, je 02 novembre