Le Parlement européen s’apprête à examiner, ce jeudi 10 juillet, une motion de censure contre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’initiative, portée par l’eurodéputé roumain d’extrême droite Gheorghe Piperea, s’inscrit dans un contexte politique tendu, mais n’a que peu de chances d’aboutir. Il suffit de réunir 72 eurodéputés pour déposer une motion de censure. Toutefois, pour que la motion soit effectivement adoptée, elle doit obtenir les deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des 720 eurodéputés. À Strasbourg, Gheorge Piperea (Alliance pour l'Unité de la Roumanie, AUR/Conservateurs et Réformistes européens, CRE) se lèvera pour défendre son texte, malgré sa reconnaissance publique de l’échec probable de la démarche, compte tenu du seuil élevé requis pour son adoption. La motion — soutenue par un groupe hétéroclite de nationalistes polonais, de députés d’extrême droite et de sympathisants de Vladimir Poutine non-affiliés — se concentre sur le scandale Pfizergate. Gheorge Piperea critique l’absence de transparence d’Ursula von der Leyen dans cette affaire, puisqu’elle n’a jamais divulgué ses échanges par SMS avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au moment crucial des négociations sur les vaccins anti-Covid. La motion reproche également à la Commission d’avoir interféré dans les élections en Allemagne, où la CDU, parti d’Ursula von der Leyen, est sorti vainqueur, ainsi qu’en Roumanie — où elles ont été remportées par le candidat pro-européen Nicușor Dan et contestées par le perdant, George Simion (AUR). Aucune preuve tangible n’est toutefois avancée à l’appui de ces accusations. Enfin, la motion dénonce le contournement du Parlement par Ursula von der Leyen sur les prêts de défense conjoints, un sujet pourtant débattu dans d'autres cadres parlementaires. Ursula von der Leyen doit répondre dès ce lundi soir aux interpellations des eurodéputés. Critiques tous azimuts Le groupe CRE, auquel appartient Gheorghe Piperea, a pris ses distances avec l’initiative. Quant au PPE, premier groupe politique au Parlement, il fait bloc autour de la présidente issue de ses rangs. Même si elle a peu de chances de passer, la motion permettra, un an après les élections européennes, aux opposants d’Ursula von der Leyen de se compter dans l’hémicycle de Strasbourg, note l'AFP. Et elle pourrait aussi servir à régler quelques comptes au sein de la majorité « pro-européenne ». En effet, la plupart des critiques acerbes adressées à Ursula von der Leyen ces dernières semaines ne sont pas venues de l’extrême droite, mais de ses alliés traditionnels du centre, qui déplorent surtout le glissement vers la droite du PPE. Gauche et centristes ont régulièrement reproché au PPE son rapprochement avec les partis d’extrême droite, notamment pour remettre en cause ou adopter des lois. Sans pour autant voter la censure, les alliés sociaux-démocrates et centristes — qui ont permis à la Commission d’être élue l’année dernière — pourraient réclamer des gages à Ursula von der Leyen. Quoi qu’il en soit, ni les Socialistes et Démocrates (S&D), ni Renew (libéraux), ni les Verts ne voteront en faveur de la motion de censure. S’allier à l’extrême droite, même par agacement envers les rapprochements du PPE avec ces partis, serait un positionnement incohérent qu’ils refusent d’adopter. Le PPE reste néanmois sur ses gardes. « Une présence totale du PPE lors de ce vote [de jeudi] est absolument obligatoire ! », peut-on lire dans un courriel interne du groupe consulté par Euractiv. Jamais une Commission n’a été censurée par le Parlement. Le cas le plus marquant de vote de censure remonte à 1999, lorsque la Commission dirigée par Jacques Santer avait choisi de démissionner avant même le vote, après la publication d’un rapport pointant sa responsabilité dans plusieurs affaires de fraude. |