George Cleverley sâest toujours vantĂ© dâĂȘtre un homme rĂ©solument moderne, un libre penseur qui ne sâembarrassait pas des bigoteries historiques de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente, des prĂ©jugĂ©s sociĂ©taux de la sienne ou des intolĂ©rances belliqueuses de la suivante. AprĂšs la naissance de chacun de ses enfants, Ă une Ă©poque oĂč on considĂ©rait encore les soins aux enfants comme relevant dâabord de la mĂšre, il avait largement contribuĂ© Ă changer les couches, se rĂ©veillait souvent avec sa femme quand, Ă moitiĂ© endormie, elle donnait la tĂ©tĂ©e au milieu de la nuit, ou lui faisait la lecture Ă haute voix pendant quâelle allaitait son dernier-nĂ©. Il allait Ă des manifestations pour protester contre tout ce qui semblait rĂ©prĂ©hensible, mĂȘme vaguement, et Ă©crivait des Ă©ditoriaux dans les journaux oĂč il critiquait autant les prĂ©sidents amĂ©ricains que les dictateurs africains et les despotes russes. Il nomma son fils aĂźnĂ© Nelson, dâaprĂšs Nelson Mandela, ajoutant Fidel comme deuxiĂšme prĂ©nom. Dans son talk-show hebdomadaire, lâune des Ă©missions les plus populaires de la tĂ©lĂ©vision britannique, il mettait un point dâhonneur Ă sâassurer que la paritĂ© Ă©tait respectĂ©e chez ses invitĂ©s, et quand des actrices figuraient dans la programmation, il ne faisait jamais rĂ©fĂ©rence Ă leur corps ou leur vie sexuelle, prĂ©fĂ©rant se concentrer sur leur talent et leurs engagements caritatifs. Il se considĂ©rait comme conservateur dans le domaine fiscal mais socialement libĂ©ral, Ă©tait un fervent opposant aux combats dâanimaux, et avait Ă©tĂ© deux fois invitĂ© Ă passer le week-end chez Charles et Diana Ă Highgrove. Politiquement, il Ă©tait tenu en grande estime par la gauche autant que par la droite, qui le considĂ©raient comme un journaliste juste et pondĂ©rĂ©. Bien quâil ne parlĂąt jamais publiquement de ses penchants politiques, il votait toujours pour la personne, pas le parti. Ainsi, avec les annĂ©es, il avait donnĂ© sa voix Ă des candidats issus des partis conservateur, travailliste et libĂ©ral-dĂ©mocrate. Lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 2019, Ă©puisĂ© par le Brexit, il avait mĂȘme votĂ© pour un Ă©cologiste. Il parrainait dix-huit chĂšvres en Somalie et avait participĂ© Ă sept marches des FiertĂ©s dans la capitale, en agitant vigoureusement le drapeau arc-en-ciel. Et pourtant, malgrĂ© toutes ses rĂ©fĂ©rences de woke durement gagnĂ©es, quand Angela Gosebourne lâinforma quâil allait avoir un autre enfant, la premiĂšre pensĂ©e qui lui vint fut : Tu lâavais prĂ©vu, nâest-ce pas ? ExprĂšs pour me piĂ©ger. |